Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

24/06/2005

Chère Isabelle, 2

(Suite)

2


Le lendemain, quand il se réveilla, la première chose qu'il fit fut de téléphoner à Isabelle, mais son téléphone n'était toujours pas branché. Il se demanda alors par quoi il allait commencer ; il était dans le vague mais il savait que dans ces cas là il fallait monter marche après marche sans forcément savoir où on allait et il avait l'habitude de compter sur l'improvisation. Il se fit un café pour se donner le temps de réfléchir et pensa soudain à Madeleine Restoux, cette femme qu'il avait rencontrée sur l'autoroute et qui l'avait invité à passer la voir. Après tout, Saint-Jean-Du-Var n'était pas loin et s'il cherchait des gens pour l'aider, autant commencer par elle qui était là lors de la disparition d'Isabelle. Elle avait l'air très cordiale et saurait probablement être de bon conseil. Finalement il avait assez peu d'amis dans la région et les quelques personnes qu'il fréquentait avec son épouse étaient plus des relations mondaines que de véritables proches. Il n'avait pas envie de mêler ces gens là à son affaire et savait que leurs questions viendraient bien assez tôt quand ils apprendraient par la presse ce qui était arrivé.
La journée était belle et promettait encore d'être chaude. Traversant Nice en direction de Cannes il tomba tout de suite dans une circulation dense comme il en avait connu quand il habitait Paris et eut le sentiment horrible, qu'il n'avait pas ressenti depuis des années, du temps qui s'enfuyait de manière inexorable. Ces moments de vie, ces moments dans la recherche d'Isabelle lui étaient volés par des dizaines de voitures qui se bloquaient l'une l'autre et il sentit monter en lui de la colère, le genre de colère qui l'avait amené à quitter Paris.
Des années auparavant c'était un être violent, irascible, qui ne tolérait aucune contrariété. Il travaillait dans un très grand groupe industriel ayant des ramifications internationales qui pouvait lui permettre un développement de carrière prodigieux. Il était dévoré d'ambition et n'existait que pour son emploi dans lequel il s'investissait plus que de raison. Les journées au sein de son entreprise se passaient en conflits de pouvoir, en recherche de responsabilité quand des erreurs avaient été faites, en luttes pour imposer des points de vue à des collègues aussi ambitieux que lui et qui voulaient prescrire leurs solutions. Quand il rentrait de son travail il ramenait avec lui toutes les tensions qu'il avait accumulées dans la journée et se disputait souvent avec son épouse dont il ne supportait pas la moindre réflexion. Un jour, après une querelle plus forte que les autres elle était partie en claquant la porte et n'était pas revenue pendant près de trois mois. Il en avait été désespéré et avait entamé une psychothérapie. Quand devant ses efforts Isabelle avait accepté de revenir ils avaient décidé de quitter Paris pour la province afin de mener une vie plus calme et il avait trouvé ce poste de direction dans une fonderie des environs de Belfort. Il avait revu à la baisse ses ambitions professionnelles et ils s'étaient installés dans un bonheur bourgeois de province, un peu terne certes, mais paisible. De temps en temps il trouvait l'ennui un peu lourd mais il n'en disait rien par égard pour Isabelle. Ils avaient cette villa près de Nice où ils essayaient d'aller le plus souvent possible, mais en fait c'était surtout Isabelle qui y séjournait en été. Lui pouvait prendre son mois d'août, quand la fonderie fermait, mais le reste du temps il n'y passait que de courts week-ends. D'ailleurs la villa était un bien que sa femme avait reçu en héritage. Elle y avait passé une partie de son enfance et y était beaucoup plus attachée que lui.
Saint-Jean-Du-Var n'était pas bien loin de Nice et il n'eut pas de mal à trouver le garage dont Madeleine Restoux lui avait parlé. Il s'arrêta en face et attendit un peu. Il ne voyait pas la R 12 beige de son fils et ne savait pas si elle était là. L'établissement était ouvert bien que l'on fut dimanche et l'on voyait un homme en bleu qui était affairé à l'intérieur. Il avait l'air trop jeune pour être son père, peut être était ce un ouvrier ? Ce n'était pas un très grand local, juste un atelier d'artisan mécanicien devant lequel il y avait deux pompes à essence. Sur le fronton du garage il y avait une pancarte sur laquelle on pouvait lire : « Grand Garage Restoux-Mécanique Générale ».
« Tiens, se dit Pierre Meunier, elle n'a pas gardé le nom de son mari !
Il en était un peu choqué. Il pensait qu'une femme divorcée, tant quelle n'était pas remariée, devait garder le nom de son ancien époux.
Soudain quelqu'un frappa sur la vitre arrière de sa voiture. Il se retourna et vit Madeleine Restoux qui le regardait d'un air étonné.
« Ça alors ! S'exclama-t-elle ; je m'attendais à tout sauf à vous voir !
« Vous me reconnaissez ?Vous m'aviez dit de passer, dit Pierre. Alors je suis passé, il fallait que je vous parle.
« Malgré tout, dit Madeleine, je ne m'attendais pas ! J'ai dit ça... Vous savez, je suis facilement liante, mais malgré tout je ne m'attendais pas à vous voir ! Mais vous êtes là, c'est bien, venez, nous allons boire un café, il n'est que dix heures.
Pierre sortit de sa voiture et s'apprêta à suivre Madeleine.
« Venez, dit elle ; allons au café en face. C'est petit chez mes parents et ma mère est en train de faire son ménage. De plus elle se demanderait qui vous êtes.
Ils s'attablèrent à la terrasse et Madeleine le regarda encore d'un air étonné.
« Vous vous souvenez hier, quand je vous ai dit que ma femme était partie chercher à boire à la station service, dit Pierre ; eh bien je ne l'ai pas retrouvée, je ne sais pas où elle est.
Il raconta toute l'histoire à Madeleine, sa visite à la gendarmerie, ses hésitations à quitter la station-service tant il pensait qu'elle allait resurgir et la décision qu'il avait prise de former une sorte de comité de soutien pour essayer de recueillir des témoignages.
« Voilà, dit Pierre ; en fait je ne connais pas grand monde dans la région, et vous m'avez paru d'une nature généreuse, alors comme vous m'aviez offert de passer...
« Bien sûr, dit Madeleine, bien sûr ; mais concrètement, à part vous aider à coller quelques affiches où à distribuer des tracts, je ne sais pas trop ce que je peux faire. Au moins je peux vous soutenir moralement, vous avez l'air d'être dans un drôle d'état !
« Ce serait déjà ça, dit Pierre ; en fait je suis un peu perdu. Pour tout dire, j'ai l'impression de ne pas être grand chose sans ma femme.
« Vous êtes mariés depuis longtemps ? Demanda Madeleine.
« Plus de vingt cinq ans, dit Pierre ; Nous nous sommes mariés elle venait d'avoir dix huit ans. Nous n'avons pas une grande différence d'âge, mais à l'époque il me semblait qu'elle était beaucoup plus jeune que moi.
« Travaille-t-elle ? Demanda Madeleine.
« Non, plus maintenant ; elle a travaillé, mais cela fait plusieurs années qu'elle a arrêté. Elle était actrice de cinéma ; c'est un métier qui est surtout facile quand on est jeune. Cela faisait plusieurs années qu'elle n'avait pas eu de rôle intéressant, et puis je dois dire que moi aussi je préférais qu'elle arrête.
« Est-ce que ça pourrait être une piste à explorer ? Pourrait elle être partie avec quelqu'un de ce milieu ? Excusez moi, mais je vous pose des questions au hasard pour essayer de comprendre.
« Même si elle avait eu un amant, ça ne se serait pas passé comme cela, elle serait partie de la maison, ou de notre villa de Nice, mais là, nous étions arrêtés tout à fait par hasard ! Souvenez vous !
« Vous vous aimez ? Demanda Madeleine ;
« Bien sûr, dit Pierre, qu'allez vous imaginer ?
Il disait cela comme si l'amour était une chose évidente, installé une fois, installé pour toujours.
« Ce n'est pas évident, dit Madeleine, il y a des tas de gens mariés qui ne s'aiment pas ; ou qui ne s'aiment plus, ou pas assez !
« Cela va bien, nous n'avons pas beaucoup de disputes.
« S'il suffisait de ne pas se disputer pour s'aimer ! La vie serait plus belle qu'elle ne l'est ! S'exclama la jeune femme. Vous faites souvent l'amour ?
Pierre ne répondit pas, il était choqué de la question de Madeleine et son amour-propre lui interdisait de répondre à ce genre de question.
« Qu'est ce qui se passe ? Vous êtes en train de compter ou vous ne vous rappelez plus ? Madeleine avait ton sarcastique ; vous voyez que ce n'est pas si simple!
« Écoutez, dit Pierre, bien sur que ce n'est pas comme au début, tout le monde peut comprendre cela, nous n'avons plus vingt ans,
« Combien alors ? Demanda Madeleine.
Pierre ne répondit toujours pas.
« C'est plus grave que je ne pensais, dit la jeune femme.
« Je l'aime, dit Pierre, mais évidement ce n'est plus comme avant ; nous avons eu une crise grave il y a trois ans. Nous avons failli divorcer ; cela m'a amené à changer d'emploi et nous a fait venir à Belfort. J'étais trop accaparé par mon travail, je ne m'occupais plus d'elle. Elle est partie trois mois. J'ai tout fait pour qu'elle revienne ; Je ne faisais pas attention à elle mais quand elle est partie j'ai réalisé l'importance qu'elle avait. J'ai suivi une psychothérapie et j'ai vraiment fait des efforts. Elle est revenue mais c'est vrai que les choses n'ont plus été comme avant. Une certaine froideur s'était installée entre nous, nous n'avions plus l'enthousiasme du début. Je crois que la froideur venait de sa part, tandis que moi j'avais tellement peur de la perdre que je n'osais plus être naturel. Par contre je suis sûr qu'elle n'a aucune autre relation. Je m'en serais rendu compte. En choisissant mon nouveau travail j'ai bien pris garde à trouver une place où je ne sois pas obligé de m'absenter régulièrement et je ne sors jamais sans elle ni elle sans moi.
Pierre s'arrêta un instant de parler pour réfléchir. Madeleine, qui l'avait écouté sans rien dire, écrasa sur le trottoir la cigarette qu'elle était en train de fumer.
« Vous avez changé d'emploi pour elle ? S'étonna-t-elle ; ça je doit dire que c'est vraiment rare ! En général les hommes préfèrent renoncer à tout plutôt qu'à leur carrière !
« Ce n'est pas elle qui est partie, il doit y avoir une autre explication reprit Pierre ; Je ne vois qu'un enlèvement ou un crime crapuleux. C'est quelqu'un de très équilibré, elle n'aurait pas fait une fugue comme ça sur un coup de tête. Et pour aller où ? Et avec quel argent ?
« Ça ne change rien de toutes façons, dit Madeleine. Ce que vous voulez c'est la retrouver, donc il faut parler de ce que nous pouvons essayer de faire.
« Demain je vais aller voir un imprimeur et je vais faire faire des affiches avec son portrait.
« C'est bien, dit Madeleine, mais pour diffuser des affiches il faut beaucoup de gens, ou bien beaucoup de temps. Avez vous suffisamment d'argent pour payer des colleurs d'affiches ?
« Ça peut aller, dit Pierre, il n'y aura pas de problème.
« Dans un premier temps, reprit Madeleine, il faut organiser une conférence de presse avec les journaux de la région. Ce sera plus rapide et vous permettra éventuellement de trouver des gens prêts à vous aider d'une manière ou d'une autre. Et même, si les gens sont déjà un peu au courant par les journaux vos affiches seront mieux acceptées.
« Vous avez raison, dit Pierre.
« Écoutez, dit Madeleine, je connais un journaliste qui travaille au « Midi Libre ». Je vais lui téléphoner pour voir comment nous y prendre. Mais aujourd'hui c'est dimanche, il n'y a rien à faire, vous devriez retourner chez vous et vous reposer. Demain vous vous occuperez des affiches, moi du journaliste et nous ferons le point. Et puis, ajouta-t-elle, peut-être qu'en étant chez vous vous recevrez une bonne nouvelle !
Ils échangèrent leurs numéros de téléphone et Pierre remonta dans sa Mercedes.
« Je suis bête, pensa Pierre, après avoir roulé quelques centaines de mètres. Je viens lui demander son aide, elle accepte, me donne des idées, et je ne lui ai même pas posé une question sur elle, je ne sais même pas ce qu'elle fait dans la vie.
Il pensa qu'elle allait le trouver égoïste et eut envie de faire demi-tour pour s'excuser, mais il jugea qu'il aurait l'air ridicule et ce fut cette idée qui l'emporta.
Il était près de midi, le soleil était beau et un petit vent rafraîchissant agitait les feuilles des arbres. Pierre eut envie d'aller se promener, déjeuner quelque part sur la côte dans une paillote. Il n'avait pas envie de retourner chez lui à attendre il ne savait quoi. Si par miracle Isabelle refaisait surface et réapparaissait dans la maison elle pourrait toujours l'appeler sur son portable, mais de toutes façons Pierre ne croyais guère à cette hypothèse. Il était certain qu'elle devait être quelque part retenue contre son gré, enfermée, attachée peut être ou même qui sait, morte ? Tout était dans l'ordre du possible et à envisager toutes les possibilités, Pierre qui finissait toujours par en revenir aux pires préférait en fin de compte tout chasser de son esprit et essayer de faire le vide, un vide qui ressemblait au petit vent léger qui lui passait dans les cheveux.
De Saint-Jean jusqu'à la côte, il n'y avait que quelques kilomètres et la route qui descendait tout le long du chemin était facile à faire en voiture. Ce fut donc lentement et presque en roue libre qu'il se rendit dans un petit restaurant qu'il connaissait au bord de la plage et où il allait parfois avec Isabelle. En le voyant arriver, le patron, qui le connaissait de vue depuis des années qu'il venait là discrètement, lui souhaita la bienvenue et lui demanda des nouvelles de sa femme. Pierre regretta aussitôt d'être venu dans cet endroit et répondit simplement qu'elle était souffrante et ne pouvait pas sortir.
Il était plein de sentiments contradictoires : en même temps il voulait ameuter la terre entière à la recherche d'Isabelle et était gêné à l'idée d'en parler. Il avait l'impression que chaque mot qu'il dirait dans ce sens rendrait plus solide sa disparition et voulait croire que ce n'était qu'un mauvais rêve dont il finirait bien par se réveiller.
Il commanda un plat du jour, mais quand il fut servi il se rendit compte qu'en fait il n'avait pas faim bien qu'il n'eut pas mangé depuis la veille. L'odeur, la vue même des aliments l'écœurait et il repoussa son assiette. Le serveur qui passait à ce moment là s'inquiéta de la qualité du plat mais Pierre le rassura en lui expliquant que c'était lui qui ne se sentait pas très bien. Il paya et descendit faire quelques pas dans le sable, puis il s'assit à même le sol. Son costume, ses chaussures de ville ne se prêtaient pas bien à cette situation et il avait l'air un peu ridicule dans cette tenue au milieu de tous ces gens en maillot avec leur confort balnéaire. Un plagiste vint lui proposer un transat qu'il accepta et il se sentit un peu mieux. Il retira ses chaussures et le haut de ses vêtements et se laissa aller en fermant les yeux. Mais ainsi, sous le voile rouge de ses paupières derrière lesquelles brûlait le soleil le silence devint assourdissant. Il était incapable de se reposer, de fermer son esprit à cette absence qu'il ne pouvait accepter et se dit soudain qu'il comprenait ceux qui se réfugiaient dans l'ivresse de l'alcool. Mais Pierre n'avait jamais bu et ne pouvait pas imaginer de commencer aujourd'hui.
Soudain il fut mouillé d'eau froide et il se redressa en sursaut : deux enfants qui jouaient trop près de lui à s'asperger d'eau de mer s'enfuirent, penauds de leur maladresse. De les voir courir ainsi il eut envie de rire. Dans la seconde qui suivit il fut presque honteux de cette gaieté spontanée. Il se demanda si sa conduite était bien normale. Un autre, supposait-il, aurait téléphoné partout, à la famille et aux amis, pour faire part de son malheur et de son désarroi. Pierre, lui, voulait tout garder comme son bien - ou son mal - personnel. Son bonheur, qu'il n'avait jamais supporté d'étaler quand il en avait eu et aussi sa douleur que, bien qu'elle le brûlât atrocement, il ne voulait pas laisser voir. Tout au long de sa vie il avait appris à se composer un visage de cire qui ne laissait jamais percer ses émotions. Il se savait faible et ne voulait laisser paraître aucune faille qui put donner prise à qui que ce soit. Il avait un certain mépris pour tous ces gens qui s'imaginaient que leurs sentiments étaient plus forts parce qu'ils étaient voyants. En fait il comptait toujours un peu être compris sans avoir à s'exprimer.
Il eut le sentiment d'être englué sur cette plage et se releva pour marcher. Ses pas le ramenèrent à sa voiture et sa voiture sur l'autoroute. Il ne savait pas où il allait mais eut envie de faire une pointe de vitesse. La Mercedes roulait bien et il dépassa rapidement le cent-cinquante. Il avalait les kilomètres et doublait tout ce qui se trouvait devant lui. Il ressentit une griserie de toute puissance l'envahir et se sentit possédé par un autre Pierre qui cherchait de temps en temps à resurgir et qu'il pensait avoir maîtrisé. Subitement il vit des véhicules venant en sens inverse qui lui faisaient des appels de phares. Il avait à peine eu le temps de ralentir pour redescendre à une vitesse normale qu'il passa devant un radar.
« Heureusement, pensa-t-il ; ce n'est pas vraiment le jour de collectionner les ennuis. Il fit demi-tour et ne sachant où aller décida de retourner dans la villa de Nice.
Il se mit à haïr les dimanches où tout était fermé de ce qui peut être fonctionnel. Seuls étaient ouverts les lieux de loisir comme les restaurants, les cinémas, les bars. Mais pour lui qui attendait après un imprimeur, un journaliste, une gendarmerie, le dimanche était une journée morte et inutile. Il réessaya de téléphoner à Isabelle, mais cela ne donnait toujours rien. Il se rendait compte qu'il n'y aurait aucune piste de ce côté là, qu'il ne serait pas possible de localiser sa femme grâce au téléphone. Que pouvait elle devenir maintenant ? La question repassait sans cesse dans son esprit et il était incapable de choisir une réponse. Il eut envie de retourner voir le psychothérapeute qui l'avait aidé trois ans auparavant, mais c'était impossible, tout au moins comme une satisfaction immédiate, car celui-ci était installé à Paris. En fait, Pierre se rendit compte qu'il avait besoin d'un refuge, d'une protection, d'un lien à quelque chose et que par dessus tout il ne supportait pas la solitude. Soudain il eut une inspiration, comme un grand souffle qui entrait en lui, et il téléphona à Madeleine Restoux.
« C'est Pierre Meunier, s'annonça-t-il lorsqu'elle décrocha. Il y a quelque chose que j'ai oublié de vous demander tout à l'heure et que je voudrais savoir, quelle est votre profession, si vous en avez une ?
Elle fit un étrange petit bruit de gorge qui lui fit comprendre qu'elle était amusée.
« C'est drôle que vous me demandiez cela, répondit elle ; Est ce que c'est important ?
« Important non, répondit Pierre, mais tout à l'heure quand je suis parti je me suis reproché de ne pas vous avoir posé cette question. En fait tout le monde s'identifie plus ou moins à son activité professionnelle et à part leur vie privée et intime sur laquelle les gens se taisent généralement, leur métier est souvent le sujet sur lequel ils ont le plus de choses à dire et qui leur tient le plus à cœur.
« Et que pensez vous des gens qui ne travaillent pas ? Demanda Madeleine Restoux ; ont-ils grâce à vos yeux ?
« Bien sûr répondit Pierre, mais il faut de l'argent pour vivre et comme vous ne m'avez pas l'air extrêmement riche et que d'autre part vous m'avez dit que vous étiez divorcée, j'en conclu que vous travaillez.
« Vous avez raison, dit elle. Je travaille, mais seulement quand ça m'arrange et pas à longueur de semaine. Disons que je suis un peu paresseuse, seulement un tout petit peu. En fait je suis juste assez paresseuse pour ne pas travailler soixante heures par semaine. Mais de toutes façons, je pourrai bien travailler deux fois plus, cela ne me rapporterait rien en termes d'argent. Vous avez raison de dire que je ne suis pas extrêmement riche.
Pierre n'était pas plus avancé par ce langage sibyllin.
« Ça doit être un drôle de métier que vous faites, s'il ne paye pas votre travail! Dit-il.
« Vous pouvez le dire que c'est un drôle de métier dit la jeune femme. Mais il arrive quand même que ça rapporte un peu, de temps en temps. En fait je suis artiste peintre ; alors je gagne de l'argent quand je fais des expositions et que je vend des tableaux.
Pierre était surpris, il s'attendait à tout sauf à ça.
« Et que peignez vous ? Demanda-t-il, des bouquets de fleurs, des natures mortes ?
« Alors comme je suis une femme, je dois forcément peindre des fleurs et être gnan-gnan ?
« Non, ce n'est pas ce que je veux dire, essaya de se rattraper Pierre. Je n'y connais pas grand chose, disons que les bouquets de fleurs et les paysages sont la seule chose que je suis capable de reconnaître quand je vois un tableau.
« Alors vous seriez surpris, dit Madeleine ; en fait je fais de la peinture très moderne, de l'abstrait, pour simplifier.
« Ça doit être très bien aussi, s'enfonça Pierre.
« Vous savez, dit Madeleine, il ne faut pas parler de ce qu'on ne voit pas, particulièrement en peinture.
Il y eut une pose de quelques secondes et Madeleine reprit la parole :
« Comment s'est passée votre journée ?
« Je tourne en rond, dit Pierre. Je tourne en rond et je ne sais pas quoi faire. J'ai l'impression d'un vide que rien ne saurait combler. Je ne sais pas comment m'occuper en attendant demain.
« Si vous voulez venir ici, dit la jeune femme, je peux avoir quelque chose à vous proposer ; mais il faut que vous n'ayez pas peur de vous salir.
« De quoi s'agit-il ? demanda Pierre, je suis en costume.
« Un costume ça s'enlève, dit Madeleine, je vous prêterai une cotte . En fait je suis en train de donner un coup de main à mon frère qui tient le garage ; il y a quelques voitures à laver et comme il est seul le week-end il n'y arrive pas.
« Je suis votre homme, répondit il ; vous me surprenez sans cesse, mais tout vaut mieux que continuer la journée comme je l'ai commencée.
« Nous pourrons aussi parler de votre histoire, dit-elle ; en discutant avec mon frère quelques idées me sont venues.
Pierre fit rapidement la route qui le séparait de Saint Jean du Var. Il était heureux d'avoir trouvé une occupation pour tromper son ennui. Il ne se serait jamais imaginé capable de laver un jour une automobile dans un garage, mais il était prêt à tout pour fuir les pensées qui lui dévoraient l'esprit.
Une petite sonnerie stridente venant de son téléphone portable lui fit comprendre que la batterie était vide. En se couchant, la veille, il avait oublié de le brancher sur le chargeur.
« Zut ! Se dit-il ; si on m'appelle je ne pourrai pas le savoir.
Et quand il pensait « on » il pensait Isabelle, mais par superstition, peut-être, il voulait laisser cette chance vierge et préférait s'imaginer que quelqu'un d'autre chercherait à lui parler d'elle. Il hésita du coup à aller chez Madeleine Restoux, comme il était sur le point de le faire. Il eut envie de retourner chez lui, rien que pour prendre son chargeur, mais le chemin était assez long car il fallait traverser tout Nice et il ne pouvait pas non plus la prévenir. D'ailleurs il était presque arrivé, et il la vit tout de suite, en bleu de travail et en botte qui tenait un tuyaux d'arrosage à la main et était en train de rincer copieusement un gros break.
« Ne vous approchez pas trop près, dit-elle en riant quand il fut descendu de sa Mercedes. En fait il n'y en a plus qu'une après celle-ci. Allez vous changer, je vous ai préparé une combinaison, fit-elle en lui indiquant une porte entrouverte qui devait être celle d'une sorte de vestiaire. Vous tiendrez le tuyau pendant que je frotterai, mais essayez quand même de ne pas trop m'arroser !
Le vestiaire était un petit local en parpaings qui avaient été directement recouverts de peinture blanche sans avoir été enduits au préalable. Il y avait deux armoires de tôle et une seconde porte qui ouvrait sur les toilettes. Un bleu propre et une paire de bottes en caoutchouc étaient posés sur une table de formica.
« Pour la cotte cela devrait aller, lui cria Madeleine depuis la rue, mais pour les bottes je ne savais pas, du combien chaussez vous ?
« Du 44, répondit Pierre, cela devrait aller ;
En disant cela il hésitait à les enfiler car il n'avait jamais encore mis les chaussures de quelqu'un d'autre et éprouvait une sorte de répugnance. Il le fit pourtant, moitié par fatalisme, moitié par peur du ridicule, mais fit ses premiers pas en gardant les doigts de pieds recroquevillés à l'intérieur. Il se regarda en passant devant le miroir du lavabo et trouva qu'accoutré ainsi il ressemblait à l'un de ses ouvriers.
« Qu'est-ce-que je suis en train de faire, pensa-t-il, si on me voyait ainsi !
Habituellement Pierre ne faisait jamais ce genre de besogne ; Pour sa voiture il y avait toujours un membre de l'équipe d'entretien de l'usine qu'il pouvait charger de ces corvées et il n'avait jamais considéré que c'était une manière agréable de passer ses week-end. Il rejoignit Madeleine et prit le tuyau comme elle le lui avait demandé. Elle frottait fort, sans rechigner, et il avait l'impression qu'elle prenait une sorte de plaisir à s'acharner ainsi sur les moindres salissures qu'elle trouvait sur l'auto. Il le lui fit remarquer car pour sa part il ne pouvait trouver aucune sorte de plaisir à faire ce genre de choses.
« J'essaie de trouver du plaisir dans tout ce que je fais, répondit-elle, surtout les choses les plus humbles qui ne présentent aucune difficulté. C'est plus une question philosophique que l'orgueil du travail noble ou je ne sais quoi.
« Ça doit être votre nature d'artiste, dit Pierre.
« Peut-être bien que vous avez raison, dit Madeleine, quoi qu'il en soit, je ne fais jamais rien que j'aie envie de refuser, je reste toujours libre de choisir. Dans ces conditions il n'est pas difficile de rester de bonne humeur !
« Votre fils n'est pas resté avec vous ? Demanda Pierre.
« Il est reparti ce matin, comme prévu. Ça ne l'intéresse pas tellement de passer ses vacances avec sa mère. Vous avez des enfants ?
« Deux garçons, répondit Pierre ; C'est pareil, ils sont en vacances en Grèce avec leurs fiancées.
« Vous les avez mis au courant ? Demanda Madeleine.
« Pas encore, Ils font du camping, ce n'est pas facile de les joindre ; et puis j'ai préféré attendre un peu pour être sûr. Si jamais Isabelle reparaissait aujourd'hui ou demain en me disant qu'elle avait eu envie d'aller se promener, ça ne serait pas la peine de les inquiéter pour rien.
« Vous commencez à croire cela ?
« Pas vraiment, dit Pierre, c'est juste une manière de parler.
« Vous n'avez encore prévenu personne de votre entourage ?
« Non, voyez vous, si je le fait j'ai l'impression que la disparition d'Isabelle va devenir définitive. En plus je vais être entouré de gens qui s'inquiètent et qui, sous prétexte de me soutenir, passeront leur temps à m'appeler pour m'exprimer leur inquiétude, et en fait ce sera à moi de les soutenir.
Il y eut un silence de quelques minutes au bout duquel Pierre reprit la parole :
« Vous savez, dit-il, je n'ai encore jamais fait ce que vous me faites faire.
« Je sais bien, répondit Madeleine. En fait, en laveur de voitures vous n'avez pas vraiment la tête de l'emploi. Je ne me moque pas de vous, mais je trouve cela assez amusant.
« J'ai l'impression de ne pas être moi-même, dit Pierre.
« Sûrement, dit Madeleine. Je me mets à votre place, mais vous savez, quand on est très angoissé, faire de petites tâches physiques qui ne demandent pas de réflexion, comme la vaisselle ou le ménage, fait du bien. C'est pour cela que beaucoup de femmes insatisfaites par leur vie trouvent un refuge dans ces choses là.
« Êtes vous vous-même insatisfaite ? Demanda Pierre.
« Non, je me débrouille bien, mais de temps en temps j'ai peur du vide comme tout le monde.
« C'est drôle comme vous parlez facilement de toutes ces choses là.
« Vous trouvez ? Parler ça libère, ça aide à penser, ça renforce. Beaucoup de gens se referment sur eux-même pour se protéger, mais il ne comprennent pas que plus ils se renferment plus ils sont fragiles.
Il y eut encore un silence.
« Parlez moi de votre femme, reprit Madeleine.
« Que vous dire, répondit Pierre après un instant. Elle est belle, intelligente et douce. C'est une femme parfaite ; elle est élégante, prend toujours soin d'elle même et ne se laisse jamais aller.
« Que fait elle quand vous n'êtes pas là, quand vous êtes à votre travail ? Continua Madeleine.
Pierre réfléchit un instant.
« Je ne sais pas, dit-il. Je suppose qu'elle s'occupe de la maison, qu'elle fait ce qu'elle a à faire et qu'elle regarde un peu la télévision...
« Vous ne lui demandez jamais quand vous rentrez ? Demanda la jeune femme.
« Si, bien sûr, nous parlons de choses et d'autres, elle me raconte sa journée, mais je n'ai pas l'impression qu'elle fasse quelque chose de particulier.
« A-t-elle beaucoup d'amis ?
« Non, pas vraiment ; Nous ne connaissons pas grand monde, nous ne sortons pas souvent. Nous sommes invités de temps en temps parce que je suis directeur de la Sofobel, mais globalement Belfort est une ville assez ennuyeuse. Nous sortions plus quand nous habitions Paris.
« Vous êtes vraiment venus vous enterrer, dit Madeleine.
« C'est elle qui a voulu que nous venions habiter en province. Je dois dire qu'à Paris ce n'était plus possible. J'étais de plus en plus stressé par mon travail et nous allions à la catastrophe.
« N'a-t-elle pas gardé des relations personnelles de son ancien métier, quand elle était actrice ?
Pierre lui fut gré de se rappeler qu'il lui avait dit cela quelques heures plus tôt.
« C'est un milieu où les gens sont surtout préoccupés d'eux même. Dès qu'on ne vous voit plus on vous oublie.
« Je ne me souviens pas l'avoir vue au cinéma, dit Madeleine.
« Elle n'a jamais eu de grands rôles dans de grands films, dit Pierre. Il aurait peut être fallu qu'elle s'y consacre plus, mais nous avons eu des enfants et ils ont pris le pas sur sa carrière.
« Vous disputiez vous souvent ? Demanda Madeleine.
« Non, plus maintenant, répondit Pierre ; avant oui, quand nous habitions Paris. C'est d'ailleurs pour cela qu'une fois elle est partie pendant trois mois.
« Et où était elle partie ?
« Dans notre villa de Nice. Oh, elle n'était pas bien loin, je lui téléphonais, j'ai même fait la route plusieurs fois, mais je crois que si je n'avais pas changé de travail elle ne serait jamais revenue.
« Avait elle beaucoup de choses à vous reprocher ?
« Je ne sais pas, dit Pierre ; oui, je crois, je n'en sais rien. Pas des choses matérielles, mais j'étais irascible, je ne pensais qu'à mon boulot, je l'étouffais. Le jour où elle est partie je n'ai rien compris ; elle s'est mise à crier quelque chose comme : « J'existe moi aussi, j'existe ! » et elle est partie en claquant la porte. Elle n'avait jamais fait une chose pareille. Sur le coup j'étais furieux de son attitude. Et puis au bout d'un moment, quand j'ai vu qu'elle ne revenait pas j'ai commencé à paniquer. J'ai téléphoné à tous les gens chez qui elle pouvait aller, mais personne ne l'avait vue. En fait elle s'était directement rendue à la gare de lyon et avait pris le train pour Nice, un train qui arrivait le lendemain matin. Il m'a fallu huit jours pour comprendre qu'elle était peut être là bas. Huit jours d'une angoisse terrible où j'étais décomposé, liquéfié. Je passais mon temps à imaginer le moment où elle allait revenir, où j'allais de nouveau la serrer dans mes bras. Vous ne pouvez pas savoir, j'étais comme fou, et en même temps j'étais persuadé que je ne la reverrais jamais plus. J'imaginais tous les baisers que je ne lui avais pas donnés et que maintenant je voulais lui faire, toutes les caresses dont je m'accusais d'avoir été avare. Il y avait en moi une chose terrible et inconnue qui avait besoin d'elle et se réveillait sous ma peau. Au bout d'une semaine j'ai eu l'idée d'appeler à la villa et elle y était. Mais elle ne voulait plus me voir, elle ne voulait pas que je vienne la chercher. Pendant trois mois j'ai cru que j'allais mourir tous les jours. Je passais mon temps à regarder la porte en espérant la voir s'ouvrir, je guettais par la fenêtre, dans la rue j'imaginais à tout moment que j'allais voir son visage se détacher dans la foule. Les enfants sont partis habiter quelques temps chez les parents d'Isabelle qui vivent à Paris eux aussi. Je n'étais pas capable de m'en occuper. Au bout d'un mois j'allais si mal que j'avais perdu ma place. Du jour au lendemain je ne m'étais plus soucié de mon travail, j'avais raté des rendez-vous importants et fait capoter des affaires en route depuis longtemps. On m'a offert de démissionner avec une indemnité confortable. C'était terrible, c'était l'enfer. Quand je lui téléphonais elle me raccrochait au nez et m'interdisait de venir. J'ai commencé une psychothérapie et puis au bout du compte elle a changé d'avis. J'étais vidé. J'avais perdu toute cette agressivité qui s'exprimait dans mon travail et je lui ai promis que rien ne serait plus comme avant. Nous avons décidé de quitter Paris et j'ai cherché une place en province dans une PME. J'ai trouvé Belfort. Vous avez raison, c'était un peu un enterrement.
« Et maintenant, est-ce pareil ? Demanda Madeleine.
« Je ne sais pas, c'est différent, elle n'est pas partie, elle a disparu, et seulement depuis hier ; mais si je ne la retrouve pas rapidement il se peut, en effet, que je retrouve cet espèce d'état de folie dépressive où j'étais plongé.
« Est-elle belle ? Demanda Madeleine.
« Oui, bien sûr, mais beaucoup de femmes le sont. Ce qu'il y a c'est que pendant cette période je me suis rendu compte que chaque millimètre carré de sa peau était extraordinaire, que j'aimais tout chez elle, ses yeux, ses lèvres, sa nuque, la peau de son ventre ou de son dos. Et avant cela je ne l'avais jamais ressenti ainsi.
« Eh oui, dit Madeleine Restoux, l'amour c'est souvent comme le poker : gagnant ou perdant, il faut payer pour voir.
Pendant qu'il parlait ainsi, Madeleine avait fini de laver la voiture. Pierre n'avait pas fait grand chose, à part tenir son tuyau, mais il était aussi exténué que si c'était lui qui avait tenu l'éponge. Madeleine retira ses gants et montrant le jet dit à Pierre:
« Posez moi ça et allons nous changer.
Ils se dirigèrent vers le vestiaire et, y entrant la première, la jeune femme lui referma la porte au nez.
« Prem's, dit-elle, attendez là, je passe la première.
Pierre se retrouva confus devant la porte, se demandant comment il n'avait pas pensé de lui même à cette chose là. Mais Madeleine était une femme qui ne s'embarrassait pas de principes et remettait vite les choses à leur place.
« Tenez, dit-elle en ressortant, venez vous changer, pendant ce temps là je vais essayer de téléphoner à mon ami journaliste, voir s'il est rentré.
Dans le vestiaire, en se déshabillant, Pierre se demanda comment il en était arrivé là. Il avait l'habitude de tout contrôler et là, subitement, il était devenu le jouet d'un flux d'événements qui se succédaient et s'enchaînaient sans qu'il s'en rendit compte. Il se trouvait amené à faire des choses qu'il n'avait jamais faites, sans s'en défendre ni s'en étonner. Madeleine lui faisait un drôle d'effet. Il avait l'impression que derrière un abord facile c'était quelqu'un qui savait manipuler les gens et que sa gaieté et sa cordialité cachaient une force de caractère peu commune. Il repensa à la manière fortuite et saugrenue dont ils s'étaient rencontrés, au mauvais effet qu'elle lui avait fait au début, puis comment petit à petit il s'était laissé gagner par la confiance, jusqu'à se retrouver là, en train de se déshabiller dans un mauvais vestiaire qui sentait le savon gris après avoir lavé une voiture dans un garage.
Un moment il se demanda si elle pouvait être pour quelque chose dans la disparition d'Isabelle, si leur rencontre avait été tout à fait liée au hasard où si au contraire il pouvait y avoir une machination. Puis il repoussa cette idée avec horreur, se mortifiant d'y avoir pensé. Après tout, c'est de lui même qu'il était venu la trouver ce matin et s'il n'y avait pas pensé personne n'aurait pu l'y obliger. Ensuite il se souvint qu'un ami de Paris lui avait dit une fois que les psychologues avaient fait tellement de progrès qu'il existait des techniques de manipulation mentale à distance. A l'époque il avait haussé les épaules, mais maintenant ces mots lui revenaient et il se mettait à douter de tout. Quand il ressortit du vestiaire il n'osa pas regarder Madeleine en face.
« Je suis fatigué, lui dit-il, je vais rentrer chez moi et me coucher, je crois que c'est la meilleure chose que je puisse faire.
« J'allais vous garder à dîner, lui dit Madeleine. Mais qu'à cela ne tienne, allez y si vous pensez que c'est mieux. Nous nous téléphonerons demain. Je n'ai pas pu avoir mon ami le journaliste, je réessaierai plus tard.
En chemin il essaya de faire le point, mais il était incapable de savoir si les gestes qu'il avait fait étaient meilleurs ou non que d'autres qu'il aurait pu faire et cette idée l'inquiétait. Le matin même il comptait encore sur ses capacité d'improvisation et maintenant il était paniqué à l'idée qu'il ne possédait aucun critère objectif d'appréciation de la valeur de ses choix. En arrivant à la villa il ne trouva rien de changé par rapport à son départ ; la maison était toujours aussi vide, toujours aussi muette, toujours aussi chargée de l'absence d'Isabelle.
« Je ne vais pas pouvoir dormir là, pensa-t-il.
Il s'étonna que la veille cette situation ne l'en ai pas empêché.
« Sans doute était-ce trop frais, ce n'est que maintenant que je réalise.
Il alla dans l'armoire à pharmacie de la salle de bains et prit deux cachets de somnifère. Quand quelques minutes après il sentit venir le sommeil il n'avait toujours pas mangé.

(à suivre) 

22/06/2005

Chère Isabelle, 1

Chère Isabelle




1


C'était un après-midi d'été, étouffant comme souvent. Les voitures étaient arrêtées sur l'autoroute, pare-choc contre pare-choc, plus rien ne bougeait. Il y avait des familles avec des enfants et des montagnes de bagages accrochés sur la galerie, des caravanes, des camions, seule de temps en temps quelque moto passait au ralenti sur la voie d'arrêt d'urgence. Des gens étaient descendus de leur voiture pour prendre l'air et essayer de regarder au loin s'ils voyaient quelque chose. Mais on ne voyait rien car à moins d'un kilomètre de là la route escaladait une colline et la vue était bouchée. L'embouteillage allait bien plus loin que ce que l'on voyait et certains partaient à pied rejoindre une station service qui se trouvait à quelques centaines de mètres. Il y avait une enseigne de cafétéria qui dépassait des arbres et ceux qui le pouvaient envoyaient un émissaire aux nouvelles et chercher des rafraîchissements.
« Il doit y avoir un accident, dit quelqu'un.
« Cela fait quarante minutes que ça n'a pas bougé, ajouta un autre ; il y a sûrement quelque chose.
La première personne opina de la tête. C'était un homme dégarni au teint rougeaud et à la figure ronde. Ses yeux bleus et sa moustache roussâtre lui donnaient un aspect flamand et les bras à la peau blanche qui dépassaient de son polo rouge étaient couverts de taches de rousseur.
« Je vais aller aux nouvelles, dit sa femme qui était assise à côté de lui.
Elle était grande et mince ; ses cheveux blonds décolorés étaient si clairs qu'ils viraient presque sur le blanc. Elle avait le visage triangulaire et fin et ses traits bien que nettement dessinés étaient plein de douceur.
« Reste donc là, dit son mari ; ça va bien finir par redémarrer.
Mais elle était déjà dehors.
« J'ai soif, dit elle ; Et puis j'en ai assez de rester coincée là en plein soleil dans l'auto. Si ça démarre tu me prendras en route.
« Quand même, reprit l'homme, il y a la climatisation dans la Mercedes, ce n'est pas la peine d'aller marcher sous le soleil.
Elle s'éloigna sans répondre. Son mari la regarda partir avec un soupir d'énervement et haussa les épaules. Il avait bien envie de lui courir après mais ne pouvait se résoudre à laisser sa voiture seule au milieu de l'embouteillage. Quelqu'un se mit à klaxonner et aussitôt cela dégénéra en un concert collectif.
« Ça ne sert à rien, dit l'homme, ça ne sert à rien !
La porte de la voiture d'à côté s'ouvrit et une femme en sortit, tirant sur sa jupe pour en effacer les plis.
« Ça ne sert à rien, mais ça soulage dit elle. Le plus énervant est d'être obligés de rester là sans rien pouvoir y faire, sans même que ça avance un tout petit peu.
Elle regarda la plaque d'immatriculation de la Mercedes et parut intéressée.
« Tiens, dit-elle, vous aussi vous êtes du territoire de Belfort ?
« Ça ne fait pas très longtemps dit l'homme, avant nous étions en région parisienne, mais je suis venu là pour mon travail.
« Et vous habitez à Belfort même, dit la femme ?
L'homme ne répondit pas. Il regardait la R 12 usée de sa voisine, la queue de raton laveur qui pendait au rétroviseur et le sapin magique qui faisait disparaître les odeurs de cigarette.
« Vous habitez à Belfort même, répéta la femme ?
Cette fois il la regarda dans les yeux. C'était une petite brune décoiffée au visage anguleux. Elle avait de grand cernes sous les yeux mais on voyait qu'elle devait les avoir en permanence. Il regarda dans la voiture et vit que le volant était tenu par un homme d'une vingtaine d'années.
Elle avait suivi son regard.
« C'est mon fils, dit-elle ; c'est sa voiture, il m'emmène dans le midi.
L'homme ne répondait toujours pas.
« Vous n'êtes pas causant tout de même, dit la femme.
« Causer ça ne se dit pas, pensa l'homme.
Il n'avait décidément pas envie de se lier avec sa voisine. Il trouvait qu'il y avait en elle quelque chose de vulgaire et qu'elle manquait de retenue.
« Votre femme vous a laissé tomber, reprit la brune ?
Cette fois ci l'homme fut touché.
« Elle est juste partie chercher à boire, dit-il ; elle va revenir tout de suite.
« Cela fait déjà un moment, reprit-elle. J'ai du thé glacé dans le thermos, vous en voulez un peu ? Jimmy, donne moi un gobelet dit-elle en se retournant vers son fils.
Malgré la climatisation de sa voiture l'homme avait chaud à cause du soleil qui tapait directement sur le pare-brise. Il accepta et le thé, légèrement sucré, lui parut délicieux.
« Elle est gentille, après tout, pensa-t-il.
« Vous allez en vacances ? demanda la femme en regardant à l'intérieur de la Mercedes où l'on ne voyait pas de bagages.
« Nous avons une maison à côté de Nice, répondit-il. Mais nous n'allons pas en vacances, seulement en week-end.
« A ce train là, répondit la femme, il risque d'être court votre week_end !
« A chaque fois c'est pareil, dit l'homme ; En partant de Belfort ça se passe bien mais c'est quand on arrive dans la vallée du Rhône que l'on perd du temps.
« Quand même, reprit la femme ; ça en fait des kilomètres pour un simple week-end !
« En fait, dit l'homme, j'emmène ma femme qui reste pour les vacances, mais moi je rentre demain soir.
On entendit des sirènes qui venaient de l'autre côté de la colline.
« Ce n'est pas trop tôt, dit la petite femme brune, ils vont peut-être bientôt dégager la route!
« Votre mari ne va pas en vacances avec vous ? Demanda l'homme de la Mercedes.
« Plus de mari! Envolé ! Comme votre femme ! Répondit-elle.
« Ma femme n'est pas envolée, dit l'homme ; elle avait juste envie de se dégourdir et de marcher un peu. Quand la circulation va repartir je vais la récupérer à la station service.
« Bien sûr, dit l'autre, je plaisantais ! Mais moi mon mari est parti comme ça, un jour. Il est sorti faire une course et je ne l'ai jamais revu ! Il m'a laissée en plan avec un enfant qui avait dix ans à l'époque et a disparu dans la nature.
« Vous n'avez pas fait faire de recherches ? Demanda l'homme.
« Oh si, bien sûr ! On l'a même retrouvé ! Le problème c'est que maintenant il vit à l'étranger et n'a jamais voulu revenir ! Il m'a laissé la maison à finir de payer, notre fils et adieu ! Nous sommes divorcés depuis cinq ans maintenant, vous savez !
A ce moment on vit les voitures qui précédaient commencer à bouger.
« Tu viens maman, ça démarre, cria le fils depuis l'intérieur de la R12.
« Si vous passez par Saint-Jean-du-Var avec votre épouse, arrêtez vous pour me voir dit la femme avant de remonter dans la voiture. Je m'appelle Madeleine Restoux, je suis en vacances chez mes parents qui tiennent le garage à la sortie de Saint-Jean sur la route de Grasse !
« Drôle de femme, pensa l'homme ; elle ne me connaît même pas et elle m'invite chez elle !
En desserrant son frein à main il mit son clignotant à droite pour se préparer à changer de file et à aller à la station service. La circulation repartait doucement, mais les voitures étaient tellement serrées les unes contre les autres et les conducteurs tellement soucieux de ne pas céder un mètre de place qu'il eut du mal à faire sa manœuvre. Il vit s'éloigner la voiture beige de Madeleine Restoux qui bénéficiait d'une file plus rapide. Enfin il se trouva sur la bonne voie de circulation et roula lentement vers la bretelle de dégagement en regardant de loin s'il voyait sa femme.
« Elle doit être à l'intérieur, pensa-t-il, je vais me garer et descendre moi aussi pour me détendre. Après tout, nous ne sommes plus à quelques minutes près.
La cafétéria était un très grand local avec plusieurs salles séparées. Il y avait un bar en arc de cercle face auquel se trouvait une série de mezzanines surélevées de quelques marches et aussi des distributeurs automatiques de sodas. Il ne vit pas sa femme non plus que dans la boutique attenante où l'on vendait des boissons à emporter, des sandwichs et des gâteaux secs. Il se dirigea vers les toilettes des dames auxquelles on accédait après un grand couloir.
« Isabelle, tu es là ? Appela-t-il ;
Il n'y eut pas de réponse.
« Isabelle ?
Il revint vers le bar en regardant autour de lui pour voir si un endroit ne lui avait pas échappé. La caissière était occupée avec des clients et un serveur coiffé d'un calot de papier était en train de ranger des verres dans le lave-vaisselle. Il y avait très peu de monde dans la cafétéria et aucun endroit où il n'ait déjà regardé. Il ressortit et s'approcha de sa voiture mais sa femme n'était pas là non plus. Il s'éloigna un peu pour aller inspecter la zone de pique-nique avec ses tables de gros bois plantées dans le gazon. Il n'y avait nulle part de trace d'Isabelle. Il commença à être inquiet et revint vers le barman.
« Excusez moi, dit-il ; je suis à la recherche de ma femme, elle devrait être là mais je ne la trouve pas. C'est une femme blonde et mince, habillée en noir et avec des bijoux.
Il cherchait à se rappeler un détail caractéristique qui aurait pu frapper le garçon.
Celui-ci réfléchit quelques secondes.
« Attendez voir, dit-il ; il y avait une femme comme vous dites, mais elle n'était pas seule. Elle était là, au bar, et discutait avec un homme. Ils sont partis il y a cinq minutes ; mais ce n'était peut être pas elle.
« Mais ce n'est pas possible, répondit l'homme qui cherchait sa femme ; elle est entrée là tout à l'heure, pendant que je faisais la queue dans l'embouteillage, il n'y avait personne avec elle !
Il regarda encore sur le parking puis en direction de l'autoroute. La circulation était maintenant redevenue presque normale. Le flot de voitures s'écoulait lentement mais de manière ininterrompue.
« Mon Dieu ! pensa-t-il, qu'est ce qui m'arrive !
Une pensée lui traversa soudain l'esprit. Il sortit son téléphone portable de sa poche et chercha son nom dans le répertoire. Il lança l'appel et attendit quelques secondes, mais il n'y eut pas de sonnerie et il tomba directement sur la messagerie. Le téléphone d'Isabelle n'était sans doute pas branché et il n'avait pas de moyen de la joindre.
Il revint vers la cafétéria et demanda au garçon le numéro de téléphone de la gendarmerie de l'autoroute.
« C'est sérieux ? Demanda le garçon, vous avez vraiment perdu votre femme ?
« Nous étions bloqués dans l'embouteillage à quelques centaines de mètres d'ici et elle est venue à pied chercher à boire. Où voulez vous qu'elle soit passée ? Il y a absolument quelque chose d'anormal !
La caissière et le barman se regardèrent avec un air qui voulait exprimer la compassion. Ils étaient embêtés pour lui mais ne savaient pas comment l'aider.
« Y a pas, dit la caissière, il faut appeler la gendarmerie.
L'homme se sentit soudain très seul. Il était toujours très à l'aise dans son travail, avec des tas de gens sous ses ordres à qui il n'avait qu'à commander, mais dans la vie courante c'est sa femme qui avait l'habitude de s'occuper de tout.
« Donnez moi un café, demanda-t-il au barman pendant que la caissière composait un numéro au téléphone.
Il s'accouda sur le bar et prit sa tête entre ses mains. Il ne pouvait pas s'imaginer ce qui avait pu se passer.
« Vous êtes sûr que vous l'avez vue avec quelqu'un ? demanda-t-il au barman ;
« Je ne sais pas si c'était votre femme, répondit celui ci, mais il y avait une femme blonde habillée en noir et avec des bijoux.
« Avaient ils l'air de se connaître ? demanda l'homme.
« Je ne sais pas, dit le garçon, je n'ai pas bien fait attention, mais c'est sûr qu'ils parlaient ensemble.
La caissière lui tendit le téléphone.
« C'est la gendarmerie, dit elle, expliquez leur !
Le gendarme de service lui dit de passer à son bureau à la sortie d'Orange car il ne pouvait pas prendre de déposition par téléphone.
Il bu son café mais ne pu pas se résoudre à partir ; il avait l'impression qu'elle allait surgir à n'importe quel instant et qu'il n'avait qu'à rester là à l'attendre.
« Avec qui pouvait elle bien être ? Pensa-t-il. Peut-être est ce un ancien amant qu'elle a rencontré ?
Il ne l'avait jamais pensée infidèle mais soudain le doute s'installait.
« Et si elle avait rencontré un ancien amant qu'elle n'ait jamais oublié ? Se pourrait il que pendant toutes ces années elle lui ait menti en lui cachant une double vie ? On disait que dans ces cas là le mari était toujours le dernier informé. Pourtant il n'avait jamais eu l'impression de rien, il n'avait jamais eu de doute. Et si c'était un voyou, un truand qui ait engagé la conversation pour pouvoir l'enlever ensuite ? Il y avait des femmes qui étaient kidnappées comme cela par des réseaux de prostitution ! Mais à son âge ! Elle avait tout de même plus de quarante ans! Même si elle était encore très belle, c'était plutôt les très
jeunes filles un peu paumées qui se faisaient enlever comme cela !
Il paya son café et se décida à partir. La gendarmerie était à une vingtaine de kilomètres. Peut-être qu'en regardant bien sur les bords de l'autoroute il la verrait ou quelque chose qui pourrait lui donner une indication ?
« Bonne chance pour votre femme, lui dit la caissière pendant qu'il sortait.
Il roulait lentement sur la file de droite et regardait le bas-côté. Il cherchait à voir une tache de couleur où n'importe quoi qui pourrait être un signe. Les arbres défilaient sur le bord de la chaussée au milieu de l'herbe sèche et il y avait très peu de bosquets serrés. Rien qui puisse constituer vraiment une cachette, pas de bois où se perdre ; plus en arrière il y avait des champs où le blé venait d'être fauché. Là non plus il n'y avait rien d'anormal, si ce n'est cette absence qui devenait de plus en plus affolante, ce vide qui l'environnait. Les idées tournaient dans sa tête en s'accélérant.
« Qu'est ce qui a pu se passer ? Se répétait il sans cesse.
Finalement il arriva à la gendarmerie. Quand il voulut ouvrir la porte du bâtiment, celle ci était fermée à clefs. Il y avait un écriteau sur la porte : « Sonnez pour appeler. »
« C'est vrai, se dit il ; les gendarmes s'enferment maintenant, ils ont sans doute peur d'être attaqués !
Un homme en uniforme vint lui ouvrir.
« Bonjour dit l'homme qui cherchait sa femme, je vous ai téléphoné tout à l'heure, mon épouse a disparu, je crois qu'elle a été enlevée.
« Entrez, dit le gendarme, nous allons voir ça.
Il passa derrière une sorte de comptoir et s'assit devant un ordinateur.
« Commençons par le début, vous êtes monsieur ?
« Pierre Meunier, répondit l'homme ; et en disant cela il ressentit une sorte de déception. Il s'était attendu à entendre tout de suite les sirènes hurler, à voir les voitures bleu marine partir dans tous les sens à toute vitesse à la recherche d'Isabelle. Au lieu de cela il ne voyait qu'un fonctionnaire tout seul qui s'apprêtait à enregistrer une déclaration. Il déclina son identité et celle d'Isabelle et raconta par le détail ce qui s'était passé. Il avait tendance à répéter plusieurs fois ce qui lui paraissait être des indices important, comme la présence d'un homme à la cafétéria qui avait parlé avec elle, mais il se rendit soudain compte qu'il n'avait même pas songé à demander au barman à quoi ressemblait cet homme.
« Ça ne fait rien, dit le gendarme. De toute façons nous allons vérifier tout ça ; ne vous en faites pas, nous avons l'habitude. Vous êtes vous disputés récemment ?
« Non dit Pierre Meunier, mais je ne vois pas le rapport.
« Il y a cinquante mille disparitions par an en France, répondit l'autre, la plupart ne sont que des fugues. Les véritables enlèvements sont rarissimes, surtout chez les adultes.
« Nous ne nous étions pas disputés, dit Pierre ; bien sûr, il y avait des hauts et des bas, comme dans tous les ménages, mais nous n'avions pas eu de querelle grave ni importante. Elle ne serait pas partie comme cela, dans ce genre de circonstances.
Il rappela l'embouteillage, la chaleur, cette atmosphère étouffante de gaz d'échappement et le bruit des klaxons.
« Elle était partie se dégourdir les jambes, dit il. Je ne suis pas allé avec elle car il fallait bien que je reste dans la voiture ; mais cela allait bien à par ça.
« Avait elle une maladie nerveuse, ou des crises d'amnésie ?
« Pas que je sache, elle avait bien des bouffées de chaleur de temps en temps, mais c'est tout ;
« Jamais soignée pour une dépression nerveuse ou quelque chose comme ça ?
« Non, dit le mari. Tenez, ajouta-t-il, j'ai une photo d'elle justement.
Et ouvrant sa mallette il sortit une pochette de photos qui venaient d'être développées.
« Elle n'est pas d'un très grand format, mais par contre c'est une photo récente.
« Au moins c'est déjà ça, cela va nous permettre de gagner du temps, nous allons pouvoir faire des agrandissements et les diffuser dans toutes les gendarmeries. Avez vous une idée sur cet homme avec qui elle était au bar ? Demanda le gendarme.
« Je ne sais pas, dit Pierre Meunier, je me le suis déjà demandé. Je me suis demandé
si par hasard elle n'avait pas pu rencontrer quelqu'un qu'elle connaissait, un ancien amant par exemple. Mais cela ne tient pas, nous n'avons jamais eu ce genre d'histoire. C'est une femme bien, vous savez. Que va-t-il se passer maintenant ? Demanda-t-il.
« Nous allons lancer un avis de recherche et mener une enquête dans la région. Nous vous préviendrons si nous avons du nouveau. Si c'est un enlèvement vous allez certainement recevoir une demande de rançon. Ils vous dirons de ne pas prévenir la police, bien sûr ne les écoutez pas. Si nous voulons remonter jusqu'à eux il faut que nous soyons informés sur tout. Mais ne vous attendez pas trop à cela ; les enlèvements pour rançon sont préparés de manière minutieuse. En ce qui concerne votre femme, sa disparition a l'air tout à fait fortuite. Mais malgré tout on ne sait jamais. Parfois l'occasion fait le larron et il ne faut pas abandonner cette piste. Au fait, a-t-elle un téléphone portable avec elle ? C'est un instrument extraordinairement utile, car s'il est branché nous avons la possibilité de localiser l'endroit où il se trouve de manière absolument précise.
« Et s'il n'est pas branché ? Demanda Pierre.
« A ce moment, bien sûr, cela ne sert à rien ; mais souvent les gens ne pensent pas à ce détail et il nous permet de gagner du temps dans beaucoup d'enquêtes. Vous pouvez appeler ici de temps en temps pour venir aux nouvelles, mais il ne faut pas forcément vous attendre au pire. D'ailleurs nous n'avons pas d'autre cas semblable pour le moment ; quand il y a des affaires criminelles vous savez, elles sont rarement isolées. Attendez vous à recevoir la visite d'un enquêteur pour un complément d'information. Vous rentrez chez vous à Belfort ou vous continuez votre voyage dans le midi ?
« Je n'avais pas encore pensé à cela, dit Pierre. Je suppose que je vais aller dans le midi puisque c'est là que nous allions. Si jamais c'était une fugue comme vous avez l'air de le dire, il est possible qu'elle y soit allée.
« Vous avez des enfants ? Demanda le gendarme, il faut peut être penser à les prévenir.
« Nous avons deux enfants, deux garçons ; ils sont partis en vacances en Grèce avec leurs fiancées. Ils font du camping, ça n'est pas facile de les joindre, d'habitude c'est eux qui nous téléphonent.
Pierre ressortit de la gendarmerie. Le soleil avait baissé sur l'horizon et l'on sentait que l'après-midi allait toucher à sa fin. Il remonta dans sa voiture et réfléchit un peu. Il ne pouvait pas repartir comme cela. Au moment de s'engager sur l'autoroute il prit la bretelle inverse et reparti dans l'autre sens. Il dut faire une trentaine de kilomètres avant de pouvoir refaire demi-tour et retourner à la station-service.
Quand il entra dans la cafétéria et se dirigea vers le bar il vit que la caissière et le barman avaient changé. Ceux de la nouvelle équipe n'étaient au courant de rien et non, personne n'avait laissé de message à son intention. Il regarda autour de lui et sur le parking, mais il n'y avait toujours pas de traces d'Isabelle. Le fil était rompu avec ce qui s'était passé tout à l'heure. Il regarda sa montre et vit qu'il n'était pas encore dix-huit heures.
« Solange doit être chez elle, pensa-t-il, je vais lui téléphoner.
Solange était sa secrétaire ; il dirigeait une entreprise de fonderie qui travaillait pour l'industrie automobile.
« Allo, Solange ? Dit il ; c'est Pierre à l'appareil. Dites moi, je ne vais peut être pas pouvoir rentrer dimanche soir. Je pense que je ne serai pas là pendant quelques jours. Je compte sur vous pour vous occuper des affaires courantes, si il y a quelque chose de particulier n'hésitez pas à me joindre sur mon portable à tout moment.
Sa secrétaire lui demanda s'il y avait quelque chose de grave, mais il ne lui dit rien. Il préférait attendre de savoir si vraiment la disparition d'Isabelle se confirmait.
Il ne savait pas vraiment ce qu'il allait faire ; chercher Isabelle, bien sûr, mais où et comment ? C'était comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Mais il n'y avait pas d'autre choix. La gendarmerie allait faire son travail, lui il pouvait essayer de compter sur la chance. Il remonta dans sa Mercedes et reprit doucement l'autoroute en direction du sud. Autour de lui c'était le défilé ininterrompu des camions et des voitures qui le doublaient. Il roulait à une vitesse assez lente pour ne rien perdre du moindre détail de ce qu'il voyait autour de lui. Mais les kilomètres s'accumulaient et il avait la lourde impression qu'il s'éloignait de plus en plus de sa femme.
La nuit était tombée quand il arriva dans sa villa des environs de Nice. Bien sûr il n'y avait personne. Toute les lumières étaient éteintes comme il se devait, mais il n'avait pas pu se départir de l'espoir que peut être il la trouverait là à l'attendre. Il alluma la maison et sentit le vide devenir de plus en plus pesant. Qu'allait il faire maintenant ? Il ne pouvait pas errer au hasard des rues en s'imaginant qu'il allait la rencontrer à la terrasse d'un café. Il alla dans son bureau et alluma son ordinateur. De sa mallette il sortit une seconde photo d'Isabelle et pensa que c'était une chance d'être passé chez le photographe retirer cette pochette juste avant le départ. Il glissa la photo dans le scanner et entreprit de composer une affichette qu'il pourrait faire diffuser en grande quantité. Il lui faudrait attendre le lundi pour trouver un imprimeur disponible, mais déjà un plan d'action se formait dans son esprit. Grâce à des annonces à la radio et à la télévision il pourrait trouver des volontaires pour former avec lui un comité qui distribuerait les affiches et chercherait à regrouper d'éventuelles informations. Il calcula que si une lettre anonyme lui demandant une rançon lui était envoyée à Belfort elle ne pourrait pas arriver avant mardi matin au plus tôt. Il pouvait donc rester jusqu'à ce moment là dans le midi à essayer de mettre les choses en branle.
Des environs d'Orange où elle avait disparu en allant vers le midi jusqu'à Nice il y avait à peu près trois cent kilomètres. Il lui faudrait donc orienter ses recherches à l'intérieur d'un triangle représentant l'ensemble de la côte méditerranéenne et ce n'était pas une mince affaire.

(à suivre) 

18/06/2005

La véritable histoire de histoire de Tristan et Iseult

La véritable histoire de Tristan et Iseult








Il était une fois un roi dont le nom était Marc qui avait un neveu nommé Tristan. Ce roi était le souverain le plus riche et le plus puissant de toute la contrée. Cependant, bien qu'ayant beaucoup d'argent et un grand pouvoir, il était très malheureux car à son royaume il manquait une reine. Et qu'est-ce donc qu'un royaume sans héritier si fortes ses armées soient-elles ?
Un jour il convoqua son neveu qu'il aimait comme un fils et en qui il avait grande confiance. « Tristan, lui dit-il, toi qui es le meilleur de mes barons et mon parent le plus cher, je vais te confier une mission de grande importance en laquelle tu devras avoir bonne clairvoyance et fine diplomatie. Il s'agit de me trouver une épouse digne d'être une reine. »
Tristan qui, bien qu'il fut prince d'un royaume voisin savait se conduire en parfait vassal, grimpa aussitôt sur le dos de son écuyer et lui cravacha vigoureusement les fesses qu'il avait fort dodues, afin de se diriger au plus tôt vers les pays du couchant qui étaient fort lointains, même en partant de Cornouailles.
Et pourquoi, me direz vous, alla-t-il vers les pays du couchant plutôt que vers les pays du levant ? La réponse est évidente : si on cherche une épouse pour fonder une dynastie, il vaut mieux une femme qui se couche qu'une femme qui se lève ! Pour le ménage, c'est autre chose...
Après bien des aventures comiques qui valent largement celles du Mont Golgotha il réussit à trouver une vierge qui attendait paisiblement que l'on vienne la déflorer. Elle avait pour nom Iseult et vivait dans le pays lointain où l'herbe est toujours verte, même en hiver. Sa mère qui commençait à s'impatienter fut ben aise de voir venir Tristan et d'apprendre de quelle mission il était chargé. Tout de suite elle enjoignit sa fille de faire ses valises et après bien des recommandations confia à la suivante de la dite pucelle une coupe emplie d'un liquide merveilleux destiné à rendre amoureux quiconque en boirait de la personne qui en avait bu en même temps.
« Encore une de casée ! Dit-elle, c'était la dernière ! »
Donc, tristan et Iseult se retrouvèrent sur le chemin du retour en compagnie d'un nombreux équipage et à bord d'une nef qui voguait fièrement vers le pays de Cornouailles. A cette époque, où les saisons n'avaient pas encore été détraquées par les bombes atomiques, il faisait toujours superbement chaud en été, les soirées étaient douces et le vent jouait du violon dans les cordages du bateau. Aussi, en quelques jours, la provision d'eau fut-elle épuisée par l'équipage assoiffé. Vint un après midi où Tristan et Iseult, après avoir cherché pendant fort longtemps une coupe de quelque chose à se jeter derrière la cravate, s'assirent épuisés contre le bastingage.
« Mon ami, dit soudain Iseult, je viens de penser à ce breuvage que ma femme de chambre tient précieusement caché dans un coffre de sa cabine. Sans doute l'a-t-elle gardé afin de se saouler le soir en égoïste. Je vais le chercher ! Ou plutôt non, viens avec moi et nous étancherons là-bas notre soif afin de n'être vus par personne !
Une goutte de ce précieux liquide suffit à les désaltérer profondément. Mais hélas, les pauvres, ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient car c'était le philtre d'amour destiné au roi Marc et à Iseult !
Ils se regardèrent surpris car ils ne savaient pas ce qui leur arrivait, mais ils comprirent qu'ils étaient profondément épris l'un de l'autre. Leurs corps, comme aimantés, se rapprochèrent petit à petit. Quand ils en eurent conscience ils allèrent plier un gourdin dans une chaloupe.
Pendant ce temps là, un marin assoiffé qui passait dans la coursive avait vu la coupe lui aussi ; et il l'avait vidée. Il ne comprit pas très bien quand il se sentit attiré vers la chaloupe où s'aimaient tendrement Tristan et Iseult. Mais c'est bien ces derniers qui furent les plus étonnés de se sentir enfilés par derrière et par devant !

09/06/2005

Les ramasseuses

medium_les_ramasseuses.jpg



Les ramasseuses



Ce matin je suis retourné sur cette plage dont je vous ai déjà parlé plusieurs fois et où j'aime tant aller me promener.
C'est dans la Baie du Mont Saint-Michel : à marée basse, quand la mer s'est retirée, on peut marcher pendant des kilomètres sur le sable mouillé sans atteindre l'eau. C'est alors un vaste domaine désertique, où il n'y a que les goélands et les canards qui passent dans le ciel, avec de loin en loin seulement un tas de varech ou une ligne de desures pour attirer le regard.
Marcher dans la Baie, c'est comme marcher dans un désert ou naviguer sur l'eau : il faut avoir un but à se fixer autrement l'ennui vient très vite de ne pas savoir où aller. Si on se promène dans la campagne ou en ville on est obligé de suivre les chemins ou les trottoirs des rues. Cela nous guide et on peut toujours choisir de tourner à gauche ou à droite pour suivre une rue ou un autre chemin. Mais dans la Baie, dans cette immense étendue plate, on a toujours en permanence la totalité du paysage sous les yeux. Aller à gauche ou à droite n'a plus aucun sens : il n'y a pas de route à suivre et on peut aller partout. C'est pour cela que dans la Baie, au delà des dangers que l'on peut y trouver, il faut toujours savoir où l'on va : c'est quand on a le nez sur les choses qu'elle deviennent différentes. Il y a des coins où l'on pêche et d'autres où il n'y a rien, mais de loin tout se ressemble, surtout pour celui qui n'est pas habitué à venir tous les jours.
De loin je voyais deux silhouettes penchées que je pris pour des pêcheuses de coques.
Je décidai d'aller vers elles. C'était un but comme un autre, juste une direction dans laquelle marcher, et comme j'ai beaucoup d'amis sur cette côte je me disais que si je les connaissais cela me donnerait l'occasion de les saluer et d'échanger quelques mots.
Les coques sont par excellence le fruit de mer de la région : elles sont toujours abondantes et on commence à les pêcher dès la plus tendre enfance tant cette pêche est facile ! Souvent il n'est même pas besoin de regarder au sol : on les sent sous les pieds en marchant, il y en a des tapis entiers. Il suffit de racler le sable avec un petit râteau pour les voir apparaître et il n'y a qu'à les ramasser pour en emplir des paniers. Elles ne se vendent pas cher, mais la Baie est généreuse et des générations de pêcheurs se sont nourris du produit de leur pêche. Pour les touristes et les amateurs elles sont aussi le moyen le plus sûr de passer un bon après midi.
En m'approchant je vis que les deux silhouettes penchées m'étaient inconnues. C'était deux femmes au teint mat et aux lourds cheveux noirs relevés en chignons et dont les jupes de cotonnade colorée descendaient à la hauteur des mollets. Le bas de leurs jupes était trempé par l'eau de mer et gris de vase salée, mais elles n'avaient pas l'air de s'en préoccuper. C'était deux gitanes ; elle devaient venir de ce campement de caravanes que j'avais aperçu tout à l'heure. J'étais étonné car elles n'avaient pas de panier, ni rien où mettre leur pêche. Pourtant elles étaient penchées en avant, dans la même position que les ramasseuses de coques et avaient l'air de fouiller le sable à la recherche de quelque chose.
Je m'approchai d'elles jusqu'à presque pouvoir les toucher. La plus jeune me regarda d'un air courroucé, me montrant que je les gênais. J'hésitai un peu, puis je leur demandai ce qu'elles étaient en train de chercher. Ce fut la plus vieille des deux qui me répondit, alors que l'autre faisait semblant de ne pas m'entendre :
« Mais si, il faut répondre à cet homme là ! dit elle ; peut être qu'il a un peu d'argent et qu'il sera intéressé ! »
Puis, se tournant vers moi :
« Monsieur, me dit elle, j'ai quelque chose pour vous, pour vous donner le bonheur ! Si vous m'achetez, vous serez heureux, vous obtiendrez tout ce que vous désirez ! »
J'avais souvent entendu ce genre de boniment et je ne suis pas d'une nature crédule. Mais d'entendre cela dans un tel endroit me fit sourire.
« Ne souriez pas monsieur, me dit elle. Nous, les vieilles gitanes, nous savons trouver des choses que personne ne trouve, et même ici, même les pêcheurs les plus malins ne sont pas capables de trouver ce que nous trouvons dans la vase.
« Montrez moi, lui dis-je. Vous pouvez toujours me montrer, peut-être que j'achèterai ! »
J'avais envie de savoir ce qu'elle allait me raconter et ce qu'elle serait capable d'inventer pour me soutirer quelques euros.
Elle fouilla dans sa poche et en retira une sorte de perle ovoïde, quelque chose qui aurait pu ressembler à une larme de verre, ou à une pampille de cristal provenant d'un lustre ancien.
« Vous voyez cela ? Me demanda-t-elle ; vous n'en avez jamais vu ? Eh bien c'est ce que nous nous pêchons ici ! Et cela peut vous porter bonheur pendant une lune entière, quatre semaines de bonheur ! Vous avec déjà vu ça ? »
Je convins que je n'avais jamais vu « ça ».
« Eh bien me dit-elle, si vous le voulez donnez moi tout de suite un billet de cent euros, et je vous dirai ensuite ce que c'est ! »
Je flairai l'escroquerie et ne voulu pas me laisser faire.
« Je n'ai pas d'argent sur moi, répondis-je, ce sera pour une autre fois.
« Tant pis ! Me dit-elle brutalement ; il n'y aura pas d'autre fois ! »
Elle donna un coup de coude à sa compagne pour lui faire signe de se relever et elle s'éloignèrent rapidement, me laissant seul sur place.
J'étais un peu décontenancé par leur attitude et je ne savais pas trop quoi dire. Y avait-il quelque chose à dire d'ailleurs ? Cela paraissait irréel, comme des mots entendus rapidement sans avoir le temps de leur donner un sens. Je me sentais un peu bête et en même temps je ne comprenais pas pourquoi.
Quand elles furent arrivées à quelques dizaines de mètres la plus âgée des deux s'arrêta et se tourna vers moi. Puis, haussant la voix pour couvrir le bruit du vent elle me cria :
« Ce qu'on pêche ici monsieur, que je vous ai proposé et que je ne vous proposerai jamais plus, ce que seules les vieilles gitanes savent trouver dans cette vase grise et collante, ce sont des larmes de dauphins ! »

Portrait

Sur la grève






Ils marchaient sur la grève. Le vent qui soufflait faisait voler leurs cheveux et leurs vêtements. Elle, grande, forte, les pommettes rougies par le froid et les paupières à demi fermées pour se protéger les yeux du sable qui leur fouettais le visage ouvrait la marche d'un pas vigoureux. Un lourd panier chargé de coquillages pendait au bout de chacun de ses bras et elle marchait à l'intérieur d'une jante de bicyclette posée sur les paniers qui empêchait ses charges de se rabattre sur ses mollets. Elle avait connu ce système pendant son enfance de paysanne de l'intérieur : quand elles portaient des seaux lourdement chargés pour nourrir les bêtes les filles des fermes se protégeaient les jambes par un cercle d'osier. Ce système supprimait l'effort nécessaire à maintenir un écart et permettait de moins se fatiguer. Une fois mariée avec ce gars de la côte elle avait voulu continuer à utiliser le même outil.
Au début son mari s'était moqué d'elle :
„T'as l'air fine avec ta roue de vélo !“ avait-il dit. Lui était resté adepte du dossier lourdement chargé de crevettes ou de coques, qu'on maintenait par une large sangle passant par devant les épaules, et sur lequel on empilait les bichettes et tout le matériel ayant servi à la pêche. Ce fardeau, qui obligeait à marcher penché vers l'avant pour maintenir son équilibre, permettait de porter des poids qui auraient pu paraitre démesurés. C'était le système qu'utilisaient tous les pêcheurs à pied de la Baie depuis des générations.
Elle, n'aimait pas le dossier ; elle n'arrivait pas à s'y faire et avait l'impression d'étouffer chaque fois qu'elle entrait les épaules à l'intérieur de la boucle. Alors, au bout d'un certain temps, il avait fini par admettre qu'elle ne ferait jamais les choses comme lui et il l'avait laissée faire.
Il était plus petit qu'elle, et aussi plus sec et plus nerveux. Il avait le poil noir et le teint mat, comme on en trouve de manière étonnante sur les côtes de Normandie. Ils détonnaient tous les deux : elle, grande, blonde presque rousse, aux formes généreuses mais souvent silencieuse : elle avait été habituée à travailler seule, sans parler ni pour se plaindre ni pour s'amuser. Lui, avait passé son enfance comme mousse puis petit matelot sur les grands chalutiers. Il ne connaissait que la voix forte qui sert à la fois à couvrir le vent et à donner des ordres.
Mais dans la baie, entre eux, il n'y avait pas besoin de paroles. Ils connaissaient tous les deux leur tâche qui était de rapporter le produit de leur pêche à la côte. C'était à chaque fois plusieurs kilomètres de marche, les pieds nus dans le sable mou, obligés de faire parfois des détours pour ne pas s'enfoncer dans une vasière, avec en plus la tangue qui collait à leurs pieds et alourdissait leurs pas. Ils marchaient les yeux fixés sur un bouquet d'arbres, au loin sur la dune, qu'ils regardaient comme une récompense. Ils savaient que là les attendait une camionnette vétuste et à demi rouillée où ils pourraient cesser cet effort ininterrompu et s'asseoir au sec et au chaud.

08/06/2005

Bientôt la fin

medium_bientot_la_fin_2.jpg



Mais à bien y réfléchir, peut-être que le début lui aussi ressemblait à cela ?

10:30 Publié dans Tableaux | Lien permanent | Commentaires (0)

07/06/2005

Solitude

Solitude: ( chanson )

Solitude
Solitude
Mélancolique
Regard tragique
Toi qui m'entoures
Dans
Ta robe de velours
Noir
Et qui m'enferme
Dans une tour d'ivoire
Solitude
Solitude
Au visage d'un ami
Au regard d'une fille
Qui passent au soleil
Et qui tendent l'oreille
D'un air distrait
A mes regrets
Solitude
Solitude
Douce habitude
Qui me préserve
De la peur de parler
Et me permet
Quand je veux de crier
Toute ma peine
Dans des poèmes
Où je cherche une vie
De merveille
Au soleil
Loin de la
Solitude

(Pour la musique, comme je ne sais pas l'écrire, faudra me téléphoner)
(Les petits malins sauront se débrouiller)

22:10 Publié dans Chansons | Lien permanent | Commentaires (0)

Hommage à Lewis Caroll, 2

Trois mille Pékins



Trois mille pékins couraient couraient.....
Le pianiste s'essoufflait
Ses doigts crispés se durcissaient
Sur son instrument qui vibrait.
Ah! Quelle belle valse Madame
Nous avons couru là!
Cette immense fête dans les bois
Vos baisers qui me dévoraient
J'ai souvenir de cet été,
De la folle course que j'ai mené,
De nos cheveux qui s'emballaient
Et du vent qui soufflait, soufflait.

Les trois mille pékins qui couraient
Ont disparu au fond du bois
Le pianiste s'est écroulé
Ses mains ouvertes ont sommeillé
Et votre rire s'est soudain tu...
Les bois sont devenus forêt
Où je m'étais perdu.

15:30 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

03/06/2005

L'origine du monde

(Communication)


"L'origine du monde", tableau de Gustave Courbet, est visible au Musée d'Orsay.

medium_origin.jpg

A divulguer si vous vous sentez concerné

(Communication)

Cher confrère, chère consoeur,



Permettez moi de vous rappeler rapidement la raison d'être du collectif. Notre objectif est d'obtenir l'interdiction de "traitements" psychiatriques dont le rapport bénéfices/risques est très nettement et indiscutablement en leur défaveur.



Une pétition sera remise très prochainement au chef de l'Etat, demandant un moratoire immédiat concernant la prescription de ritaline aux enfants, l'usage des électrochocs et la psychochirurgie. Elle a recueilli à ce jour plus de 1100 signatures.




Près de 8000 enfants sont aujourd'hui sous Ritaline dans notre pays. Faut il rappeler que cette drogue fait partie du tableau II (classification de l'Organisation des Nations Unies.1971) au même titre que la cocaïne, la métamphétamine, les barbituriques ou les opiacés les plus puissants !



La vérité est que l'on administre à des enfants une drogue aux effets délétères majeurs et indiscutablement établis, parfois mortels, (contrairement à ce qu'on lit régulièrement dans la presse médicale: cf pour exemple la mise au point concernant l'hyperactivité de l'enfant et de l'adolescent: Le quotidien du médecin. 23/05/2005) pour traiter une "maladie" qui n'existe pas ! (J’entends ici par maladie un processus morbide résultant d'une cause reconnue, en l'occurrence un supposé dysfonctionnement du cerveau).



Pour le docteur BAUGHMAN, neuropédiatre, membre de l'Académie Américaine de Neurologie, le diagnostic d'Hyperactivité est un diagnostic "frauduleux" (intervention du Dr BAUGHMAN devant l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe. 23/11/2001).



Ce confrère rappelle qu'entre 1990 et 2000, 186 décès d'enfants liés à la Ritaline ont été rapportés à la FDA, ce qui ne représente selon lui que 10 à 20% des décès réellement imputables à cette drogue !



Dans les services d'urgence des hôpitaux américains, les admissions de préadolescents pour intoxication à la Ritaline sont aujourd'hui plus nombreuses que celles résultant d'intoxication à la cocaïne !





Pour le Professeur BREGGIN, psychiatre, "le diagnostic d'ADD/ADHD (ou THADA) a été développé spécifiquement dans le but de justifier l'utilisation de drogues pour maîtriser le comportement des enfants en classe". (cf témoignage du Pr BREGGIN devant le Congrès des Etats-Unis.Consultable sur le site de la pétition: http://www.moratoirepsy.com ).



Pourtant, à en croire la psychiatrie, 5% des écoliers français seraient atteints de ce trouble !



Tout cela doit cesser ! Pouvons nous cautionner par notre silence de tels agissements ? Que dirons nous demain aux milliers d'enfants qui se seront ainsi vus prescrire pendant des années des drogues aussi toxiques et qui nous demanderont des comptes ?



Nous ne devons plus accepter que l'on nous mente ! Les informations délivrées par les laboratoires Novartis (Ritaline) ou Janssen-Cilag (Concerta) et certains psychiatres leader (faiseurs) d'opinion sont contraires à la vérité et peuvent faire de nous, à notre insu, des acteurs de cette tragédie.



Récemment, quatre poursuites civiles majeures ont été intentées contre Novartis, le fabriquant de la Ritaline, pour fraude dans la sur-promotion de l’ADHD et de la Ritaline. Les plaintes accusent également Novartis de conspiration avec l’Association américaine de Psychiatrie et avec CHADD, un groupe de parents qui reçoit de l’argent de l’industrie pharmaceutique (cf témoignage du Pr BREGGIN).



Je vous invite à vous rendre sur le site de la pétition: http://www.moratoirepsy.com et à prendre connaissance de son contenu, des informations disponibles et, si la teneur du message du collectif vous agrée, à vous joindre à nous en signant cette pétition.



Restant à votre disposition.



Bien cordialement.







Dr LABREZE



Collectif des médecins et des citoyens contre les traitements dégradants de la psychiatrie.



PS: Pour vous convaincre de l'efficacité avec laquelle le tandem industrie pharmaceutique-psychiatrie peut créer un nouveau marché et le développer à outrance, au mépris de toute rigueur scientifique, de la vérité et de la santé des patients, permettez moi de vous suggérer la lecture de l'ouvrage de Guy HUGNET: La grande intoxication. Editions Cherche Midi ou bien celui du Pr ZARIFIAN, plus ancien mais toujours d'actualité: Psychotropes et société. Editions Odile Jacob.


02/06/2005

Chère madame

Chère madame






Je sais que vous me lisez bien que vous n'ayez jamais laissé de traces ici. Vous ne m'avez jamais laissé aucun commentaire ni rien qui puisse m'indiquer votre présence, mais pourtant je sais que vous venez régulièrement jeter un regard attentif sur ces lignes que j'écris presque chaque jour. Comment je le sais, alors que vous vivez si loin de moi, presque à l'autre bout du monde ? Oh, c'est facile à deviner, c'est une indiscrétion, quelqu'un qui nous connait tous les deux et à qui vous vous êtes ouverte... Bien sûr, vous allez tout de suite deviner de qui il s'agit ! Mais ne lui en veuillez pas ! Cette personne n'a en rien cherché à vous nuire ou à être médisante ; elle a simplement pensé qu'elle aimerait nous rapprocher, nous qui sommes tous les deux ses amis et qui n'osons pas nous confier l'un à l'autre.
Nous nous voyons de temps en temps, chaque fois que vous revenez en France, à la même période de l'année. Et je sais que ce temps ne va pas tarder à venir. Je sais que je vais de nouveau avoir le plaisir de regarder votre peau diaphane presque luminescente, vos sourcils finement épilés, vos lèvres roses et délicatement ourlées, les ailes de votre nez frémissantes quand vous êtes saisie de désir. Allez, je vous ai bien regardée ; je connais tout de vous ! Pas ce qui est caché bien sûr, mais de ce qui est directement accessible au regard, rien ne m'a échappé ! J'aime la finesse de vos bras, celle de votre taille que j'ai sans cesse envie d'enlacer, vos épaules dénudées en été, vos cheveux coupés court qui sont un écrin à votre visage et lui permettent de resplendir au soleil. Et votre voix, votre voix ! Comme j'aimerais l'entendre le soir à mon oreille ! Comme j'aimerais l'entendre de temps en temps rauque et de temps en temps chuchotante, clairsemée de baisers !
Mais j'arrête là ! De trop penser à vous me voici envahi d'un désir qui risquerait de vous faire peur ! Il me reste encore quelques temps avant que vous reveniez : il faut que je prenne ce temps pour vous apprivoiser, pour que vous vous habituiez à ce regard que j'ai sur vous. Si mes mots sont des caresses que je vous fait, ils doivent rester mesurés, respectueux de ce qui est l'espace de votre liberté. Un jour, je l'espère, vous même déciderez que vous avez envie que je vous les dise de plus près.
A bientôt chère madame ; je sais que je penserai tant à vous que demain j'aurai encore mille choses à vous dire.

01/06/2005

Le train de Poitiers

Le train de Poitiers



Attention ! Attention !
Reculez vous du quai !
Le train de Poitiers entre en gare !
Attention ! Attention !
Quelques minutes d'arrêt
Attention au départ !

Quelques minutes d'arrêt
C'est bien plus qu'il n'en faut
Pour descendre d'un train
Dans une robe d'été
Et cueillir un bouquet
Qui attend sur le quai

Attention ! Attention !
Reculez vous du quai !
Le train de Poitiers repart !
Attention ! Attention !
Mais il n'est pas complet
Car une robe d'été
Est restée sur le quai
Captive d'un regard !

14:55 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

31/05/2005

Histoire de Bergamotte la folle

Histoire de Bergamotte la folle





Elle est arrivée il y a onze ou douze ans, dans une maison que j'avais en Bretagne où j'étais libraire. Le père était un siamois en maraude qui courait les jardins par derrière les maisons à la recherche de femelles bien disposées à son égard. On ne le voyait jamais, et on ne découvrit son existence que le jour où on retrouva son corps écrasé sur le bord de la route.
La mère de Bergamotte était une trois couleurs qui s'appelait Petite Etoile. Bergamotte n'est donc pas pure race, mais elle est quand même assez bien imitée, y compris certaines tares génétiques particulières aux siamois, comme la queue tordue et à moitié atrophiée.
Petite Etoile fit naitre ses deux petits au grenier, cachés sous le plancher. Nous les entendions courir depuis l'appartement, mais chaque fois que nous montions deux petites bêtes sauvages disparaissaient en courant et se réfugiaient dans leur nid protecteur.
Et puis un jour, au bout de deux mois et demi, leur mère ayant jugé que c'était à nous de les nourrir et qu'elle ne voulait plus les allaiter, nous entendîmes miauler devant la porte. Sur le palier il y avait deux adorables petites boules de poils aux oreilles et au nez légèrement foncé, qui miaulaient pendant que leur mère les léchait.
C'est ainsi que Bergamotte fit son entrée dans la maison, déplacée, effarouchée, ne sachant pas où elle était.
Cela alla très bien pendant quelques jours, jusqu'à ce que je décide en accord avec mon amie que Petite Etoile devait être „opérée“, afin de mettre un terme à ses portées successives.
Petite Etoile était une chatte extrêmement attachante. Elle aimait avant tout qu'on s'occupe d'elle. Elle supportait sans rien dire d'être sous le robinet d'eau tiède du moment qu'elle savait qu'une main soigneuse allait masser ses mucles, lisser ses poils et faire briller sa fourrure. Le dimanche, quand la boutique était pleine de touristes, elle venait se coucher sur les tables de livres pour être à portée de main et de caresse. Elle passait ainsi tout l'après midi à se faire tripoter par des centaines de mains et n'en avait jamais assez. Elle était la véritable reine de la maison et quand un chat extérieur s'approchait elle le mettait en fuite avec la plus grande férocité.
Quand Petite Etoile revint de la clinique vétérinaire son caractère avait changé du tout au tout. Je ne sais pas si c'est la chute brutale de sa production d'hormone qui avait causé cela ou une muette rancoeur, mais du jour au lendemain elle perdit tout instinct maternel. Sa fille Bergamotte n'était plus sa fille et elle n'en voulait plus dans la maison. Mon amie qui était tombée amoureuse de cette petite boule de poil siamoise avait voulu la garder et entre les deux chattes commença une cohabitation difficile. Le frère avait été donné à des amis et il ne restait plus que la mère et la fille face à face. Chaque fois que Petite Etoile rencontrait Bergamotte au coin d'un meuble ou d'un couloir elle se jetait sur elle et lui fichait une volée. C'était systématique et la pauvre petite avait toujours droit au minimum à un feulement sauvage. Bergamotte en fut à moitié terrorisée et dès que quelqu'un bougeait dans la maison elle allait se réfugier sous un meuble, hors de vue et de portée.
Petite Etoile se pavanait en maitresse des lieux et plus le temps passait plus sa fille qui grandissait montrait qu'elle aurait un caractère sauvage et resterait traumatisée.
Un jour mon amie me quitta. Elle ne voulu pas emmener Bergamotte avec elle car elle la jugeait trop idiote et je restai donc seul avec mes deux chattes. Puis, le temps passant, je quittai la Bretagne et vint m'installer en Normandie.
J'aime les animaux, mais je ne les ai jamais pris pour des jouets ou je ne sais quoi. J'aime les chats parce que ce sont des animaux indépendants, qui peuvent avoir des moments d'affection mais sont avant tout atachés à leur liberté.
Avec le déménagement Petite Etoile avait perdu cette cour de visiteurs qui régulièrement la flattaient quand elle était allongée paresseusement sur une pile de livres. Et il est certain que je ne lui donnait pas cette affection énorme et admirative, exclusive, dont elle avait besoin.
Au bout de quelques mois elle alla s'installler chez une voisine âgée qui avait tout fait pour l'attirer. Cette voisine avait déjà une chatte, mais Petite Etoile la chassa du canapé et s'installa devant la télévision à sa place. Depuis, elle et la vieille dame vivent une histoire d'amour intense et chaque fois qu'elle me voit la voisine me remercie pour le beau cadeau que je lui ai fait.
Je restai donc seul avec Bergamotte. Elle était toujours aussi sauvage, dès que je bougeais elle allait se cacher et il était absolument impossible de la prendre comme on peut prendre un chat habituellement. Au mieux, quand elle voyait que j'étais immobile depuis un certain temps, elle s'approchait petit à petit et acceptait que je la touche un peu à condition de la laisser au sol et de ne pas essayer de la prendre.
Et puis les années ont passé. Avec le temps Bergamotte a fini par comprendre qu'elle ne risquait pas grand chose et elle est devenue moins farouche. Mais elle n'en est pas moins folle pour autant : elle est devenue affectueuse, mais d'une affection possessive et inquiète. D'abord elle ne sait pas rentrer ses griffes ; patte de velours, connait pas ! Elle vient s'installer sur moi, toutes griffes dehors, les plante dans mon ventre ou dans mes cuisses et me regarde fixement. Dès que je bouge la main pour manipuler la télécommande ou me gratter le nez elle croit que je veux lui échapper et suit ma main pour la récupérer. Elle se frotte contre moi d'une manière hystérique, s'énerve toute seule en ayant toujours toutes ses griffes dehors. De temps en temps je pousse un hurlement et elle s'écarte véxée en me tournant le dos. Et puis après elle revient et ça recommence. J'essaye de lui parler avec douceur pour la destresser, la calmer et arriver à ce qu'enfin elle me donne une patte douce et détendue, mais quel boulot ! Bon, ça fait maintenant pas mal d'années qu'on se connait et on s'habirtue l'un à l'autre même si on ne se comprend pas toujours très bien... Mais je me dis toujours que si elle était une femme, avec le même caractère, ça fait longtemps que je me serais enfui !
Comme quoi, il n'y a pas que chez les humains que les relations entre les parents et les enfants peuvent être pathologiques !

27/05/2005

Bergamotte

medium_bergamotte_1.jpg



Ca c'est Bergamotte ;

Et puis revoila la photo de ce matin, mais en plus grand cette fois ! (enfin j'espère ! )

medium_du_haut_de_la_falaise_2.jpg

Bon, bien sûr la photo est un peu petite !

....Dommage, c'est un si joli coin !

Au fait, la plage...



C'est par là, tu viens ?

26/05/2005

Une heure à la plage

Une heure à la plage




Premier jour à la plage ; un jour de mai, un des premier jours de chaleur en Normandie. Vous volez une heure à votre emploi du temps, un peu au repas, un peu au travail, pour avoir le temps d'aller une heure à la plage ; la première de l'année, la première qui vous montre que vous êtes vraiment sorti de l'hiver.
Vous prenez votre couffin : il attend sagement depuis l'année dernière le retour du soleil. Il est prêt, il contient tout ce dont vous avez besoin. Peu de choses d'ailleurs : un grand couvre-lit blanc de cotonnade que vous ouvrez sur le sable, et un second, plus petit, que vous conservez plié et qui, posé sur vos vêtements, vous sert d'oreiller.
Quand vous arrivez le soleil est toujours là, il ne vous a pas fait le mauvais tour d'aller à un autre rendez-vous, et la place à laquelle vous vous êtes habitué, année après année, bien à l'abri du vent,est libre et n'a pas encore été convoitée ni occupée par un autre.
Vous ouvrez le grand dessus de lit blanc et vous y allongez. Vous mettez votre téléphone pas trop loin - on ne sait jamais -, et vous vous apprêtez à vous laisser aller au délice de votre première sieste au soleil.
C'est à ce moment qu'elle arrive. Il y en a peut-être d'autres, ailleurs, mais elle, elle vous a repéré dès le début et a jeté son dévolu sur vous.
Elle, c'est La mouche. Dès que vous êtes arrivé et que vous avez retiré vos vêtements elle a senti votre odeur légèrement sucrée. Et immédiatement vous lui avez plu. Immédiatement elle est tombée amoureuse de vous, folle du parfum léger de transpiration qui vient de vos aisselles, admirative devant la douceur de votre peau, se régalant de tous les sels minéraux que vous exudez. Elle vient se promener sur votre front, sur vos lèvres, boire la sueur qui coule le long de votre nez, et ne vous lâchera pas. De toute son expérience de mouche elle sait que vous allez repartir, que vous ne resterez pas. Alors elle en profite. Elle ne vous fait pas mal d'ailleurs, elle vous fait si peu de choses : elle se contente de vous lêcher, d'aller et venir sur vous et de se gaver de tous les délices que vous lui offrez gratuitement. Et ce minuscule insecte, à la présence insoupçonnable sur une balance, devient vite l'instrument de votre torture. Plusieurs fois vous essayez de la chasser. Mais en vain : elle est souple, elle est rapide et elle a des yeux partout pour voir venir les mauvais coups. Vous essayez de faire alterner le sommeil à l'énervement, vous affectez de croire que vous allez pouvoir l'oublier. Mais elle, elle ne vous oublie pas ! Elle est toujours là ! Quand elle s'éloigne un instant, ce n'est pas qu'elle s'en va, c'est juste qu'elle prend du recul pour mieux vous admirer ! Elle survole - et surveille - son territoire ; car vous n'êtes rien d'autre que son territoire. Elle ne sait rien de vous, ne sait pas d'où vous venez, la seule chose qu'elle sait c'est que vous êtes là et que vous lui ammenez quelques odeurs sucrées
Mais tout a une fin ! La sieste est finie, au revoir la mouche ! A demain !

24/05/2005

A la santé des imbéciles heureux !

Je bois à la santé
Des imbéciles heureux
Qui vident les verres cul-sec                                                                                                                                A la fin des mariages                                                                                                                                       Qui hurlent en sautant                                                                                                                                       Le nom d'un club de foot                                                                                                                                     Et qui sont enthousiastes                                                                                                                                      Sans poser de questions.

                                                                                                                                                                      Je bois à la santé                                                                                                                                              Des imbéciles heureux                                                                                                                                     Qui aiment en surface
Mais sont toujours contents
Qui ne comprennent rien
Mais ne demandent rien
Se contentent de peu
Et y prennent plaisir.

Je bois à la santé
Des imbéciles heureux
Qui font rire les filles
D'un humour un peu gras
Dans un vie sans fièvre
Aux rêves un peu las
Mais leur font oublier
Qu'un prince ne viendra pas

Je bois à la santé
Des imbéciles heureux
Qui ne le savent pas
Et qui trinquent avec moi
Et avec n'importe qui
A envie de trinquer
De boire à leur santé
Sans trop les questionner

18:40 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

Flottant dans le ouaib...

J'emballerai mon coeur
D'une douce soie de Chine
Ou dans un lin d'Egypte
Frais et léger comme le printemps.
J'emballerai mon âme
De feuilles de papyrus
De roseau et lotus
Et nu comme un ver,
Mes baluchons à la main,
Je dériverai dans le cyber-espace
Jusqu'à ce qu'une étoile brillante
M'attire dans son orbite.

17:45 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

19/05/2005

Tous les tangos

Tous les tangos...

Tous les tangos du monde
Ne peuvent pas tanguer
Aussi fort que la ronde
Qui nous fait valdinguer

Quand dans mes bras tu tombes
De trop tourbillonner
Je suis comme une bombe
Qu'on ne peut bâillonner

Mais si quand coule l'onde
Tu ne sait pas nager
Tout au fond de la bonde
J'irai te repêcher

Si quand la foule abonde
Tu viens à t'égarer
Telle une Joconde
On ne peut te cacher

Et si les mots qui frondent
Me viennent à manquer
Aux trésors de Golconde
Irait en rechercher


Trouver des rimes en onde
Ce n'est pas bien sorcier
Tant les brunes et les blondes
Savent nous faire rêver.

14:30 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

18/05/2005

Orphée

Orphée


Orphée s'assit à même le sol en sortant de la tombe. Sous ses ongles il y avait une couche de sable jaune très fin et légèrement humide qui s'était aggloméré pendant qu'il creusait. De la pointe de son couteau il nettoya ce sable qui faisait un bourrelet et qui le gênait. Il avait creusé à la main. Il s'était servi de son arme pour entamer la couche de sable dur et tassé, mais au fur et à mesure il devait ressortir du trou à la main la matière friable et poudreuse. C'était un travail titanesque. D'abord il lui avait fallu retirer une à une les lourdes pierres qui protégeaient la tombe des animaux, mais c'est au moment de fouir dans le sol que les difficultés étaient apparues. Il n'avait pas d'outil, juste ses mains et son couteau. Au début le sable avait paru aisé à retirer, mais il s'était rapidement rendu compte qu'il lui était très difficile de l'évacuer. Dans le creux de ses paumes il en recueillait un peu et essayait de le transporter hors de l'entonnoir. Mais chaque fois les bords s'effondraient et tout était à recommencer. De temps en temps il essayait de le chasser vers l'arrière, entre ses jambes et à toute vitesse, comme le fait un chien ou un renard, mais il s'épuisait très rapidement. Il n'avait pas la vigueur et l'obstination d'un animal qui est habitué à creuser des terriers. Jusqu'à quelle profondeur fallait il aller ? Au moins la hauteur d'un homme debout pensait-il, ce devait être la profondeur de la tombe.
Au loin une fine couche de lumière apparaissait sur l'horizon ; le jour était en train de se lever et allait le démasquer alors qu'il n'avait pas fini son travail. Il disposait encore d'un répit, mais bientôt les gens du village allaient commencer à s'activer et n'importe qui pouvait surgir. Le cimetière n'était pas très à l'écart de la route et toute la journée passaient des âniers, des charrettes chargées de bois, des voyageurs ou des enfants qui jouaient. A tout moment il risquait d'être vu, ne serait-ce que par une des vieilles qui venaient régulièrement nettoyer les allées et les massifs de cyprés ou par un parent venu se recueillir sur une tombe fraîche.
Le soleil qui grimpait dans le ciel fit apparaître des ombres longues et une lumière crue. Orphée tenta de creuser encore quelques instants, mais rien n'apparaissait, aucune trace de corps, aucune pièce de tissus qui aurait émergé pour le mettre sur la voie et l'encourager. Et puis même, à quoi bon continuer ? A supposer qu'il fut arrivé à son but, qu'aurait-il fait d'Eurydice maintenant qu'il faisait grand jour et qu'il n'avait plus aucune chance de passer inaperçu ? Serait-il allé courrir dans le désert avec son corps sur les épaules ? Aurait-il traversé le village pour l'emmener jusqu'à chez lui ? Si même il abandonnait son travail là où il en était, tout le désignerait comme responsable de la profanation. Refermer le trou et remettre en place les pierres qu'il avait enlevé ? Quel travail inutile il aurait alors accompli ! Toute une nuit à creuser avec ses mains et son couteau ! Revenir le lendemain peut-être avec des outils plus adaptés, avec un projet plus mûr, plus réfléchi ? Sans doute ; quand il avait commencé à creuser, dans la nuit, après toute une journée de pleurs et de recueillement c'était sans aucune idée préconçue. Cela lui était venu comme cela, une pensée folle qui lui disait qu'il pouvait aller la rechercher et la faire revivre. Mais il n'était plus temps. Au loin, dans le village, il percevait les premiers signes d'animation qui lui disaient que le temps était compté. Lentement d'abord, puis avec rage ensuite il referma le trou qu'il avait mis si longtemps à creuser et remis les pierres en place. Il reforma la tombe à peu près comme elle était la veille et se coucha sur le dos, pleurant en regardant le ciel : Eurydice venait de mourrir pour la seconde fois.

17/05/2005

Sur le quai

Sur le quai



Vivre des heures d'attente sur le quai d'une gare
A voir les trains filer, ralentir, s'arrêter
Et ne même plus savoir si l'on vient ou l'on part
S'il s'agit d'en descendre ou plutôt d'y monter.

La fable est impossible, cela n'existe pas
Car le quai d'une gare on ne fait qu'y passer
Pourtant il était là, qui mesurait ses pas
Et regardait au sol les ombres s'inverser.

Du matin jusqu'au soir il allait et venait
Toisant les voyageurs surchargés de bagages
Cherchant des yeux celui qui passait la monnaie
A qui il conviendrait de souhaiter bon voyage.

Il était sur le quai, dressé comme balise
Et offrant son sourire, sa main aux voyageurs
Qu'il guettait harassés, fatigués de valises
Il faisait scintiller sa médaille de porteur.

17:25 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

14/05/2005

Les cerises, conte d'été.

Les cerises
Conte d'été




Chez ma grand mère il y avait un grand cerisier. Il était très vieux et avait commencé à pousser avant que le hangar ne fut construit. Quand mon grand père avait décidé d'agrandir sa forge et d'installer un nouveau bâtiment pour entreposer ses fers longs et ses réserves de matériel il n'avait pas voulu abattre l'arbre magnifique. Il avait construit tout autour de sorte que maintenant le cerisier émergeait des tôles rouillées. Ses premières branches maîtresses poussaient à moins de deux mètres du toit et il était facile d'y grimper pour ramasser des cerises ou faire la chasse aux merles pillards. Quand on montait tout en haut la vue portait très loin par dessus les haies du bocage ; c'était un observatoire parfait d'où l'on voyait sans être vu. Nous nous dissimulions dans les feuilles et après quelques minutes, quand mon oncle qui travaillait à la forge avait oublié le bruit de nos pas qui avait résonné sur la toiture métallique nous étions seuls entre ciel et terre, avec les cerises et les oiseaux.
J'avais une voisine qui s'appelait Madeleine. C'était la seule fille de mon âge dans ce petit bourg de la Mayenne qui n'était constitué que de quelques maisons regroupées autour de l'église. A part un petit nombre de commerçants et de retraités la majorité des habitants étaient des agriculteurs et vivaient dans des fermes éloignées. Ils ne venaient au village que pour faire des courses le dimanche en même temps qu'ils allaient à la messe. Madeleine était la fille du cantonnier. Alors que la maison de ma grand mère était située dans un creux, au bas du village, celle de Madeleine, juchée tout en haut de la côte qui remontait de l'autre côté se découpait sur le ciel. Ce n'était pas loin, à peine une centaine de mètres ; entre nos deux maisons il y avait une ferme où nous passions la plus grande partie de nos journées quand nous n'étions pas dans les champs à suivre la charrue pour ramasser les vers de hannetons. Madeleine avait la tête toute ronde et des cheveux blonds coupés à la Jeanne d'Arc avec une frange qui lui barrait le milieux du front. Ses joues étaient toujours roses et elle portait des tabliers à carreaux.
Nous étions dans l'arbre. Madeleine se faisait des boucles d'oreilles avec les cerises, comme en font toutes les petites filles et même, je crois, les petits garçons. Ses lèvres étaient tachés de rouge et son haleine avait la senteur acidulée des fruits. Elle riait en même temps que de temps en temps un rayon de soleil qui passait entre les feuilles de l'arbre la faisait cligner des yeux. Aussi loin que remontent mes souvenirs il y a toujours eu une fille dont j'étais amoureux, mais bizarrement je n'ai jamais été amoureux de Madeleine. Sans doute nous connaissions nous depuis trop longtemps, et puis je crois que quand j'étais enfant j'étais plus attiré par les brunes ; mon premier grand amour, à l'école primaire en Lorraine était une brune d'origine italienne. Avec Madeleine nous étions complices en beaucoup de choses, nous nous voyions tous les jours pendant les vacances d'été et elle qui ne partait jamais était toujours là et ravie de me voir. Quand nous nous retrouvions dans les fonds des jardins, dans les taillis qui bordaient la rivière ou dans l'ombre des granges de la ferme voisine nous nous livrions à des cérémonies secrètes qui reproduisaient celles des adultes mais avec nos propres rituels, nos mots, notre magie. J'ai de la peine à l'imaginer maintenant, plusieurs dizaines d'années plus tard. Qu'est elle devenue ? Comment est-elle ? J'ai oublié le son de sa voix, seuls me restent son visage et aussi ce parfum de cerise qui émanait d'elle quand nous étions dans l'arbre et qu'elle respirait.
Nous devions faire concurence aux merles qui comme nous venaient manger les cerises. Ils délaissaient celles qui n'étaient pas mûres et ne goûtaient que celles qui regorgeaient de jus et de sucre. En général notre présence suffisait à les écarter mais ils avaient compris que les plus belles grappes, celles qui se trouvaient au bout des branches les plus fines étaient hors de notre portée car nous ne pouvions aller les chercher sans craindre de les casser. Nous nous partagions le territoire de l'arbre, mais malgré tout il nous fallait, pour trouver de nouveaux fruits à manger, aller toujours plus haut, toujours plus au bout des branches, prendre toujours plus de risques. Madeleine grimpait comme un garçon ; ses jambes minces qui sortaient de ses jupes trop courtes enserraient les branches avec force et ses bras la hissaient vers le haut. Bien sûr il nous était défendu de grimper dans l'arbre. Quand nous y étions ma grand mère ou ma tante se mettaient sur le pas de la porte et nous appelaient avec inquiétude. Nous évitions de faire du bruit pour ne pas être démasqués ; nous parlions en chuchotant et nos séjours dans l'arbre tenaient toujours du secret.
Le toit à faible pente du hangar était comme un radeau et l'arbre comme le mat d'un bateau. Avec le temps nous avions amené tout un fatras de matériaux qui pouvaient devenir indispensable à notre survie si jamais le reste du monde disparaissait : nous avions des bouts de bois, des ficelles, de vieilles tôles récupérées qui nous permettaient d'installer des cabanes temporaires et quelques jouets dont nous ne nous servions que rarement. J'avais un tube de métal qui était très pratique comme longue vue, un baton qui me servait tour à tour de sceptre et d'épée et Madeleine avait amené des poupées qui étaient à la fois notre public, nos enfants ou nos passagers selon ce qu'exigeait la situation. Nous avions de petites boites dans lesquelles nous ramassions des insectes, des chenilles, des coccinelles, toutes sortes de petites punaises des bois. Pour les garder en vie nous leur donnions des cerises à manger. Certains survivaient d'autres non, sûrement ceux qui n'aimaient pas les cerises ! Peut-être qu'aussi, en notre absence, les uns dévoraient les autres ! De temps en temps, quand nous restions plusieurs jours sans venir il nous fallait vider les boites pour nous débarasser des cadavres, mais dans l'arbre il y avait toujours d'autres insectes qui pouvaient remplacer ceux que nous avions perdus et notre ménagerie était facilement renouvelable.
Il faisait toujours beau. Quand nous étions dans l'arbre il faisait toujours beau. L'air était chaud et sec, chargé des poussières des récoltes et le vent léger qui nous amenait le meuglement des vaches dans les prés ou les hénissements des chevaux au travail nous caressait gentiment. Mais à vrai dire, en y réfléchissant bien, il ne s'est jamais rien passé d'exceptionnel dans cet arbre. Aucune chute dangereuse, aucune rencontre inattendue, aucune découverte surprenante, mais l'arbre en lui-même était un monde qui n'appartenait qu'à nous. Il y a un âge pour grimper aux arbres. Avant on ne sait pas, après on ne s'y intéresse plus. J'ai aussi connu d'autres arbres : des arbres des forêts, en Lorraine, qui étaient certes beaucoup plus hauts et que l'on escaladait grace à des clous de charpentiers enfoncés dans le tronc, mais celui ci avait quelque chose de particulier : une personnalité, un caractère, il faisait partie de la famille. Ce n'était pas un arbre indifférent et maintenant je suis sûr qu'il nous parlait de temps à autre : J'ai oublié ses mots, mais je suis sûr que c'est lui qui nous disait de revenir encore et toujours nous percher dans ses branches et lui tenir compagnie, prisonnier qu'il était d'un hangar qui l'avait enfermé et l'empêchait de partir.

21/04/2005

Cléopâtre

Cléopâtre



Quand le soleil se lève au port d' Alexandrie
L'âme du marin qui rêve au voyage qui finit
Songe aux senteurs du Nil, aux parfums de l'Orient
Et découvre cette île qui éclaire l'occident.

Ô, toi, Alexandrie qui éclaire le monde,
Au phare qui te grandit et t'enseigne à la ronde,
Lumière du monde grec et de l'antiquité
Dont la bibliothèque fut la célébrité,

Ô toi Alexandrie où je n'irai jamais
Où la mer se finit, où l'histoire disparaît,
Vestige du passé, d'un monde qui n'est plus,
Où le grec, l'égyptien, ne se prononcent plus !

Ô toi Alexandrie, garde bien tes princesses
Dont le regard qui brille, si porteur de promesses
Attirera toujours les navires des barbares.

Il n'y a rien de pire que l'amour de César !

19/04/2005

L'amie absente

L'amie absente



Et tant de jours encore
Surmonter la distance
En un constant effort
Oublier ton absence
Devoir priver mes lèvres
Du parfum de ta bouche
Et oublier la fièvre
Qui brûle quand je te touche

15:10 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

15/04/2005

Elise...

Que je lise
Elise
Dans votre coeur
Moqueur
Une pensée
Tournée
Vers mes désirs...
Soupirs !

11:25 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

Retiens mon coeur

Retiens mon cœur les sanglots qui te percent
Oublie la lame aiguë qui te traverse
Tu n'auras plus sa peau pour tes caresses
Ni tes deux mains à poser sur ses fesses.

Elle est partie sans un regard pour toi
Et ne viendra plus jamais sous ton toit
Tu aurais du être un peu plus matois
Et lui cacher ton amour qui festoie.

Mais c'est ainsi, à aimer aussi fort
Sans le savoir on joue avec sa mort
Gavées, repues, elles nous quittent sans remords
Et ne nous laissent que l'ombre de leur corps.

Pour les garder il faut les affamer
Et de l'amour presque ne rien donner
Ou bien si peu qu'elles se croient condamnées
A tout donner pour pouvoir être aimées

09:55 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

05/04/2005

Le jeu de l'amour

Au Beau Jeu de l'amour il n'y a pas de perdant
Car tout le monde y gagne quand on aime vraiment
Mais aux jeux de l'amour il n'y a pas de gagnants
Car tout le monde y perd quand on y fait semblant

17:05 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

17/02/2005

Moleskine

Moleskine:




Assis devant un verre
La tête qui s'incline
Les vieilles gens solitaires
Siègent sur la moleskine

Ils viennent là tous les soirs
Meubler leur solitude
Et oublient même de boire
Tant c'est une habitude

Leurs regards sont fanés
Et s'ils se causent de loin
C'est leur sourire usé
Qui les isole le moins

Leurs yeux sont des miroirs
Assis au milieu d'eux
J'ai eu peur de me voir
De me sentir comme eux

J'ai craint de venir là
Meubler mon désespoir
De me sentir trop las
Pour seulement oser boire

J'ai eu peur de mourir
Tout en étant vivant
J'ai eu envie de fuir
Je crois qu'il était temps

18:45 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

12/02/2005

Joe le serial killer est à vendre !

Ouais ouais ouais ! Joe le serial killer est à vendre ! (Voir note du 11/12/2004) Si vous êtes intéressé par ce héros légendaire, laissez moi un message, on en reparlera !

02/02/2005

Bananes

Bananes


Ah! comme j'aime les bananes!
Ce sont des fruits vraiment charmants,
Elles s'épluchent d'un oeil expert
Dans des bastringues pas toujours clairs
Jetant des refus délicats
A qui les regarde du doigt...
Ah! comme j'aime les bananes
Et leurs invisibles vêtements!

15:20 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

01/02/2005

Journalisme

Journalisme



Le journaliste travaille au jour le jour. Pour vendre son journal, pour satisfaire sa clientèle, il doit - tous les jours - lui proposer du nouveau. Une nouvelle non dite perd de son intérêt dés le lendemain, chassée par d'autres, pas forcément plus intéressantes, mais seulement du jour. Le magasinier au contraire ( au sens ancien, celui qui travaille dans un magasin, prononcé "magasine" en anglais ), stocke des informations pendant une semaine ou un mois, voire un trimestre ou une année, selon la fréquence de parution de son « magazine ». Il les trie, les analyse, les passe en « revue » avant de les publier.
Tous deux portent le même nom de « journaliste », mais alors que l'un est un défricheur qui doit tailler jour après jour la route du sens ( ou le sens de la route ) dans la forêt des informations, l'autre est un gestionnaire pour qui l'information est un cheptel.

28/01/2005

L'orphelin

L'orphelin




Je n'ai pas de chance d'être orphelin,
J'aurais préféré être fils de putain
Car quand les camarades me chantent :
« Il a pas d' papa, il a pas d' papa ! »
Je pourrais répondre :
« Si, au contraire, j'en ai des tas ! »

14:50 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

26/01/2005

Genèse, l'invention des rayures

L'invention des rayures







Il y a de cela bien longtemps, ce fut le début. Dieu existait et était toute chose. Mais comme il n'avait pas encore commencé son boulot, Dieu, qui était toute chose, n'était pas grand chose.
Or, le Divin, qui flottait doucement dans le néant infini, s'ennuyait. Vous direz : « Dieu est parfait, Dieu ne s'ennuie pas ! » Va savoir... Il avait des haut-le-cœur dus à l'absence de point de repère ; il avait envie de vomir mais ne savait pas où le faire. Aussi, afin de vaincre ses vertiges et de dégueuler à loisir, l'Infini construisit une plate-forme et inventa cette formule : « Dieu, que ça fait du bien de se retrouver sur le plancher des vaches ! » Et illico il inventa la vache et le plancher !
Pendant longtemps il erra, comme une âme en peine, sur cette lande de terre grise baignée d'un éternel demi-jour et où ruminaient ça et là quelques vaches dont il ne savait pas tirer le lait - que d'ailleurs il n'aimait pas -. Comme Napoléon sur son île il échangeait de temps à autre un regard morne avec un de ces animaux si intelligents qu'ils avaient tout de suite appris à ruminer pour passer le temps.
Alors l'Éternel, qui était toute chose, c'est à dire une lande grise et un troupeau de vaches paresseuses, comprit que là encore, il s'ennuyait mollement.
Dieu alors créa une race d'êtres à son image et presque aussi intelligents que lui. Il les appela les Mutants et leur tâche était de muter et de devenir des dieux eux aussi. Les Mutants se promenèrent eux aussi dans ce plat pays qui était le sien. Eux aussi échangèrent de mornes regards avec ces animaux si intelligents qu'ils avaient tout de suite appris à ruminer pour passer le temps. Mais cette race neuve, qui n'avait à contempler qu'un vaste terrain vague, fut rapidement déprimée. Ils s'organisèrent en manifestation et allèrent trouver Dieu.
« Notre maître, lui dirent-ils, nous sombrons dans la dépression. Le Paradis que tu as créé n'a rien de paradisiaque. Imagine donc des arbres, des fleurs et des étangs pour divertir le paysage ! »
Dieu les écouta et vit que cela était bon. Afin de moins s'ennuyer, car lui-même commençait à être sérieusement abruti il se garda un carré personnel où il planta des graines de canne à pêche dont les fleurs étaient des bouchons de couleurs et les fruits de petits poissons brillants, et interdit à quiconque de les récolter à sa place. ( C'est depuis ce jour que le fait de transgresser une loi s'appelle un péché).
Or il advint que le jour de la moisson arrivé, le Tout-Puissant s'aperçut que quelqu'un avait volé ses précieuses plantes. Il fut évident pour son Saint-Esprit que les auteurs du crime étaient les Mutants. (Maintenant, nous sommes à peu près certains que ce sont les vaches qui ont brouté les cannes à pêches divines. Il suffit d'observer leur regard étrange...) Dieu, donc, se précipita sur les Mutants et les mit à la porte du Paradis. Comme à la porte du Paradis il n'y avait rien il créa la mer et y jeta les mutants. Et comme la tâche des Mutants était de muter ils devinrent des poissons, et les plus intelligents d'entre eux devinrent des dauphins (c'est en consultant certains documents secrets de l'U.S. Navy que j'en ai acquis la certitude).
Mais il restait encore des Mutants et des vaches ; et à la récolte suivante, les fruits des cannes à pêche avaient de nouveau disparu. Dieu en conçu une haine mortelle pour les quelques Mutants qui avaient réussi à se cacher et à rester dans le Paradis. Pour eux il inventa la mort et à force de les chercher il finit par trouver un groupe de bébés qui bien qu'ils marchassent encore à quatre pattes avaient réussit à se soustraire à la vue de leurs parents. Il les attrapa par la peau des fesses et les jeta par la fenêtre. Mais au dernier moment, juste avant qu'ils ne tombassent dans la mer, afin de les isoler pour mieux les punir, il créa une isola (une île en français) de terre ferme sur laquelle ils atterrirent. Et comme leur tâche était de muter ils devinrent tous les animaux quadrupèdes que nous connaissons maintenant.
Yaveh, afin de protéger son verger contre les quelques Mutants qui restaient encore ça et là (en fait il n'en restait que deux, un ça et l'autre là), créa les c.r.s.. Ceux-ci, qui étaient nettement moins intelligents que les Mutants ne prirent point garde aux vaches qui venaient paisiblement brouter les fruits des cannes à pêches. Et même ils les aimèrent, ce qui est tout à fait normal tant il est vrai que qui se ressemble s'assemble.
Mais, grâce à leur flair infaillible, les c.r.s. réussirent à découvrir le dernier couple de Mutants qui n'avaient pas encore été chassés du Paradis. Le capitaine des c.r.s., qui s'appelait Ange Gabriel, les jeta dehors lui-même sans s'occuper de ce qu'ils deviendraient. Ils tombèrent sur la Terre et comme l'un s'appelait Adam et l'autre s'appelait Êve, et que leur tâche était de muter ils devinrent les ancêtres des hommes et des femmes et nos ancêtres à tous. Mais ceci est une autre histoire, et retournons au Paradis.
Il est évident qu'à la récolte suivante les fruits des cannes à pêche avaient de nouveau disparu. Dieu qui malgré tout était intelligent comprit que la faute en revenait aux vaches. Il les envoya rejoindre les Mutants sur la Terre et y expédia aussi les c.r.s. pour les punir d'avoir mal fait leur boulot.
Dieu possédait un grand livre sur lequel il notait à l'encre rouge les noms de tous les habitants du Paradis. Un jour, fatalement, il pensa que tous ces gens là n'avaient plus aucune raison d'y figurer. Il s'employa à les en effacer. Et comme en ce temps là la gomme et le corrector n'avaient pas encore été inventés, Dieu, en désespoir de cause, inventa la rayure.



25/01/2005

Quête

Quête




Avez vous du tabac ?
Avez vous du tabac
Pour faire fumer mes chevaux,
Mes chevreaux,
Mes agneaux
Et mes autos ?
Non, vous n'en avez pas...

Et avez vous du vin
Pour faire boire mes serins
Et mon chien Rintintin ?
Non, vous n'en avez point...

Avez vous du caviar
Pour faire manger tous mes renards
Et décorer mes nénuphar ?
Ah ! Je suis venu trop tard...

Et avez vous du temps
Madame,
Pour compter les cheveux
De tous vos amoureux ?
Vous n'avez point d'amant ?

Mais où passez vous votre temps,
Et où mettez vous votre argent ?

17:55 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

21/01/2005

Les grands inventeurs

Les grands inventeurs




Au début du 19° siècle, Céleste-Adrien Moncuq inventa la boite de conserve. Ce fut l'aboutissement de nombreuses années de recherche au cours desquelles il sacrifia sa fortune. Hélas, il mourut pauvre et ignoré de tous car il fallut attendre encore longtemps pour que l'américain John Hoppencan invente l'ouvre-boite.

15:20 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (0)

18/12/2004

Odeur de Sainteté





Odeur de sainteté, vous connaissez ce mot : il figure que les saints dégagent en mourant une odeur de fleur, de rose, une odeur embaumante. Fantasme ou anthropophagie inconsciente de l'assistance qui prendrait une puanteur pour un délice, allez savoir; mais j'avais une amie qui était sainte, appelons la Simone.
J'avais été amoureux d'elle pendant des années sans pouvoir la toucher. D'abord elle avait appartenu à un ami très proche, puis, virant sa cuti, elle était devenue lesbienne au M.L.F., avant de sombrer enfin dans une dépression profonde qui lui avait valu des séjours en hôpital psychiatrique et dont elle n'était sortie qu'au prix d'une conversion religieuse, d'une illumination miraculeuse. Et moi qui l'avait aimée pendant des années, qui lui avait envoyé des fleurs, l'avait emmenée au cinéma, au restaurant, moi qui lui avait écrit des poèmes, qui l'avait aimée quand elle était trop grosse ou trop maigre, j'avais eu l'impression d'être amoureux de la duchesse de Langeais.
J'avais eu aussi ma petite occasion que j'avais perdue, que, par rigueur morale je n'avais pas su saisir quand elle était au plus profond de la détresse. J'étais resté un jour devant sa porte, devant le crucifix de bois qu'elle arborait sur la poitrine, tel qu'en portent les religieuses, et je ne l'avais plus revue pendant des années.
Des années pour l'oublier, pour penser à d'autres femmes, des années pour me marier, faire des enfants, divorcer et puis un jour de nouveau lui téléphoner.
Elle avait été heureuse de m'entendre et m'avait invité à dîner. Oui, elle était toujours très croyante, rêvait toujours de s'intégrer à une communauté religieuse et avait hâte de me voir pour parler de tous les souvenirs et de tous les amis que nous avions eu ensemble.
J'avais sonné à sa porte. Très vite elle était venue m'ouvrir et j'avais alors été suffoqué par une odeur immonde. Une odeur de transpiration qui me brûlait la gorge, qui imprégnait ses vêtements, son corps, tout son appartement et qui bien sûr m'aurait interdit de poser la main sur elle si j'en avais eu l'intention.
Odeur de sainteté, odeur démoniaque... Je laisse chacun penser ce qu'il voudra, moi je me suis fait mon opinion.
Mais soudain je réalise que ce souvenir m'est revenu, bien des années après, parce que je viens de voir passer dans la rue quelqu'un qui ressemblait à cet ami que j'avais eu et dont elle avait été la femme.


====


14/12/2004

Bientôt la fin...

bientot_la_fin_retaille.jpg

17:50 Publié dans Tableaux | Lien permanent | Commentaires (2)

11/12/2004

JOE, le serial killer, de face et de profil

sq2_joe_le_serial_killer_vue_de_face.jpg



sq2_joe_le_serial_killer_profil.jpg

L'homme de demain

l_homme_de_demain.jpg

11:45 Publié dans Tableaux | Lien permanent | Commentaires (0)

10/12/2004

Catacombe

Catacombe:


J'ai découvert Paris
Depuis la nuit dernière.
Non Paris sans mystère
Qu'on connaît par ses rues
Mais celui sous la terre
Qui nous est inconnu.
Nous étions descendus
A Porte de Denfert
Par une sorte de puits
Qui menait vers l'enfer.
Il était pénétré
D'un escalier profond
Qui s'enfonçait en lui
Comme un colimaçon.
Nous avions débouché
Dans une galerie étroite
Nous dûmes courber la tête
Pour pouvoir avancer.
Le sol était couvert
D'une couche de glaise blanche
Qui avait pour tendance
De glisser sous le pied.
Nous marchâmes des heures
Mais sans aller nulle part
En croisant quantité
De ruelles et couloirs,
Répliques de la surface,
Couvrant plusieurs étages
Kilomètres de rues
Ne débouchant sur rien
Sinon de temps en temps
Le souvenir muré
D'une ancienne carrière
Ou un puits d'ossements
Éclatant d'abondance.
Me vint le souvenir
D'un livre de mon enfance
Où d'étranges « sous-terreux »
Pour voler le bétail
L'attrapaient par les pieds
Et l'attiraient sous terre.
Je les imaginais
Qui vivaient dans la pierre
Doués nécessairement
D'une autre dimension
Et je nous comparais
Nous qui pour avancer
En ce dense univers
Devions être des taupes
Esclaves de galeries,
Spaghettis de néant,
Qui ne nous permettaient
Pas d'être dans la pierre
Mais seulement d'y passer,
D'avancer au travers.
Et je me vis marcher
Dans Paris en surface
Aux immeubles fermés,
A leurs visages de glace
Qui m'offraient leur grisaille
Leur mort et leurs murailles.
Me vint le souvenir
D'étranges promenades
Où sur les grands boulevards
J'avançais propulsé
Par d'horribles terreurs.
Par peur de m'arrêter,
D'être dévisagé,
Je marchais pour marcher
Sans y prendre plaisir,
avec l'envie de fuir,
Comme un zombie des villes
Dont la vie, dont le monde
Sous un visage civil
Cache une catacombe.

17:30 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

07/12/2004

Mille soleils...

Mille soleils brûlants illuminent ton corps
Et la lune sensible vient s'y chauffer encore
Quand le matin timide pointe sur l'horizon
Et murmure mon poème en guise d'oraison

11:25 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

04/12/2004

Cherche à partager un appartement

De passage à Paris deux ou trois jours par semaine (le week-end), je cherche quelqu'un ayant une pièce en rab et qui accepterait de la louer. De préférence Paris nord, 17°, 18°, 19°. Laissez message, on parle après ; ciao !

03/12/2004

Roman d'amour

Roman d'amour




Dans le roman d'amour classique, tout commence par la rencontre et se termine par la réunion. Dans une histoire d'amour de la vie, la réunion n'est que le début de l'histoire. Les moments entre la rencontre et la réunion ne sont que les préliminaires et l'histoire se termine par la désunion. Celle-ci peut être causée de la manière la plus absurde par la mort de l'un des membres, mais le plus souvent elle est causée par le non-amour.
De la rencontre à la réunion, ayant affaire à quelqu'un que l'on ne connaît pas, on peut difficilement parler d'amour. On aime les gens qu'on connaît, que l'on aime tels qu'ils sont, avec leurs qualités mais aussi avec leurs défauts sur lesquels on est sans illusions. Mais pour les gens que l'on ne connaît pas encore on ne peut parler que de désir d'amour. Quoi de plus naturel que d'avoir envie d'aimer? Je ne parle pas de l'envie d'être aimé, qui est le besoin des enfants qui aiment aveuglément sans poser de questions, je parle du désir qui fait que l'on est attiré comme par un aimant par une personne dont on ignore tout mais à qui l'on prête toutes les qualités. Ce désir, fortement sexuel, ne suffit pas à faire durer une relation si l'on découvre au fil du temps que l'être que l'on a tant désiré possède un certain nombre de défauts que l'on juge incompatibles avec le sentiment que l'on a de son intégrité, de son intelligence, de son honnêteté. Si malgré tout, bien que n'aimant pas les traits de caractère principaux de l'être avec qui l'on partage une histoire d'amour on reste dépendant du désir physique que l'on a pour elle ou simplement de son besoin de stabilité, on risque fort de s'enfoncer dans une histoire douloureuse dont on a envie de sortir mais dont on ne connaît pas l'issue. Et, partant, tout concours à mener ce genre d'histoire vers sa fin.
Dans le roman d'amour classique on suppose que l'histoire d'amour, une fois commencée, n'aura jamais de fin. C'est ce qui en fait la beauté illusoire si éloignée de la vie, mais aussi ce qui fait que - les gens heureux n'ayant pas d'histoire -, les auteurs de ce genre de romans s'arrêtent là où les choses commencent vraiment.

02/12/2004

Tard...

Tard...




Tard dans la nuit j'ai vu voler un oiseau blanc
Ses ailes qui battaient en un grand souffle lent
Sont allées caresser tes cheveux doucement.

23:20 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

Utopie

(Communication)

UTOPIE


Superbe réponse du ministre brésilien de l'Education interrogé par
des étudiants aux Etats-Unis...


A faire suivre... Car la presse nord-américaine a refusé de
publier ce texte.

Internationalisation Discours du ministre brésilien de
l'Éducation aux États-unis.

Pendant un débat dans une université aux États-unis, le ministre
de l'Éducation Cristovam Buarque, fut interrogé sur ce qu'il
pensait au sujet de l'internationalisation de l'Amazonie.

Le jeune étudiant américain commença sa question en affirmant
qu'il espérait une réponse d'un humaniste et non d'un Brésilien.

Voici la réponse de M. Cristovam Buarque.

En effet, en tant que Brésilien, je m'élèverais tout simplement
contre l'internationalisation de l'Amazonie. Quelle que soit
l'insuffisance de l'attention de nos gouvernements pour ce
patrimoine, il est nôtre.

En tant qu'humaniste, conscient du risque de dégradation du
milieu ambiant dont souffre l'Amazonie, je peux imaginer que
l'Amazonie soit internationalisée, comme du reste tout ce qui a
de l'importance pour toute l'humanité. Si, au nom d'une éthique
humaniste, nous devions internationaliser l'Amazonie, alors nous
devrions internationaliser les réserves de pétrole du monde
entier.
Le pétrole est aussi important pour le bien-être de l'humanité
que l'Amazonie l'est pour notre avenir. Et malgré cela, les
maîtres des réserves de pétrole se sentent le droit d'augmenter
ou de diminuer l'extraction de pétrole, comme d'augmenter ou non
son prix.

De la même manière, on devrait internationaliser le capital
financier des pays riches. Si l'Amazonie est une réserve pour
tous les hommes(humains), elle ne peut être brûlée par la volonté
de son propriétaire, ou d'un pays.

Brûler l'Amazonie, c'est aussi grave que le chômage provoqué par
les décisions arbitraires des spéculateurs de l'économie globale.
Nous ne pouvons pas laisser les réserves financières brûler des
pays entiers pour le bon plaisir de la spéculation.

Avant l'Amazonie, j'aimerai assister à l'internationalisation de
tous les grands musées du monde. Le Louvre ne doit pas appartenir
à la seule France. Chaque musée du monde est le gardien des plus
belles oeuvres produites par le génie humain. On ne peut pas
laisser ce patrimoine culturel, au même titre que le patrimoine
naturel de l'Amazonie, être manipulé et détruit selon la
fantaisie d'un seul propriétaire ou d'un seul pays.

Il y a quelque temps, un millionnaire japonais a décidé
d'enterrer avec lui le tableau d'un grand maître. Avant que cela
n'arrive, il faudrait internationaliser ce tableau.

Pendant que cette rencontre se déroule, les Nations unies
organisent le Forum du Millénaire, mais certains Présidents de
pays ont eu des difficultés pour y assister, à cause de
difficultés aux frontières des États-unis. Je crois donc qu'il
faudrait que New York, lieu du siège des Nations unies, soit
internationalisé. Au moins Manhattan devrait appartenir à toute
l'humanité. Comme du reste Paris, Venise, Rome, Londres, Rio de
Janeiro, Brasília, Recife, chaque ville avec sa beauté
particulière, et son histoire du monde devraient appartenir au
monde entier.

Si les États-unis veulent internationaliser l'Amazonie, à cause
du risque que fait courir le fait de la laisser entre les mains
des Brésiliens, alors internationalisons aussi tout l'arsenal
nucléaire des États-unis. Ne serait-ce que par ce qu'ils sont
capables d'utiliser de telles armes, ce qui provoquerait une
destruction mille fois plus vaste que les déplorables incendies
des forêts Brésiliennes.

Au cours de leurs débats, les actuels candidats à la Présidence
des États-unis ont soutenu l'idée d'une internationalisation des
réserves florestales du monde en échange d'un effacement de la
dette. Commençons donc par utiliser cette dette pour s'assurer
que tous les enfants du monde aient la possibilité de manger et
d'aller à l'école. Internationalisons les enfants, en les
traitant, où qu'ils naissent, comme un patrimoine qui mérite
l'attention du monde entier. Davantage encore que l'Amazonie.

Quand les dirigeants du monde traiteront les enfants pauvres du
monde comme un Patrimoine de l'Humanité, ils ne les laisseront
pas travailler alors qu'ils devraient aller à l'école; ils ne les
laisseront pas mourir alors qu'ils devraient vivre. En tant
qu'humaniste, j'accepte de défendre l'idée d'une
internationalisation du monde. Mais tant que le monde me traitera
comme un Brésilien, je lutterai pour que l'Amazonie soit à nous.
Et seulement à nous!

Ce texte n'a pas été publié. Aidez-nous à le diffuser.

Un gros merci à l'auditeur de Delirium Environnemental qui nous a
fait parvenir ce texte ! http://www.radiodelirium.net



Paris-Plage

Paris-Plage:




Les trottoirs de Paris sont la plage qui borde le fleuve des voitures.
Vous y êtes vous déjà allongé?
Je l'ai fait un jour.
J'avais mis mon plus beau maillot et m'étais muni d'une serviette-éponge.
J'avais choisi un petit coin bien propre au bas du Sébasto.
Il faisait beau.
Près de moi des vieillards jouaient et je respirais des embruns mazoutés.
Mes lunettes infra-rouge me permettaient de voir la chaleur des autos.
Je vis soudain ma tante Clara qui se faufilait dans la circulation.
« Vas-tu bientôt mettre fin à cet horrible cauchemar? » Me demanda-t-elle;
« Mais ce n'est pas un cauchemar » répondis-je, « c'est un rêve, un beau rêve. »
« Mais enfin, réveille toi! » reprit elle en me secouant, « réveille toi »!
Alors je m'agrippai à mon drap de bain et me mis à hurler:
« C'est un rêve! C'est un rêve! Un merveilleux rêve! »

Après le départ de Nicolas Sarkozy :

Info, après le départ de Nicolas Sarkozy :







Dans les coulisses du dernier remaniement ministériel :



Nous venons d'apprendre, chose qui était passée complètement inaperçue, qu'avec le départ de Nicolas Sarkozy du Ministère des Finances il y avait eu un certain nombre de chaises tournantes, Le Premier Ministre a en effet décidé d'élargir les attributions du Ministère de l'Intérieur et de lui adjoindre un Ministre Délégué à la Vitesse et à la Circulation des Fluides.
Et n'ayons pas peur de le dire, c'est une bonne idée ! Le nouveau Ministre aura des pouvoirs très larges aux attributions transversales. Il pourra en effet intervenir dans l'un ou l'autre des secteurs habituellement réservés à ses collègues en fonction des besoins qui peuvent se faire jour à tout moment. Il sera ainsi aussi bien chargé de régler la vitesse de circulation des voitures en ville ou sur les autoroutes afin de mettre fin à une réglementation anarchique, ou de faire accélérer la vitesse d'examen des dossiers de la Sécurité Sociale, ou la vitesse d'exécution des peines de prison auxquelles un certain nombre de nos concitoyens ont été condamnés. Car quelle que soit la condamnation, on sait qu'en toute circonstance le temps passe plus ou moins vite, et il importe, au nom des principes démocratiques les plus évidents, que le temps passe à la même vitesse pour tout le monde.
Et nous le voyons tout de suite, les champs d'intervention de ce nouveau ministère peuvent être extrêmement variés : Cela va depuis le sport, - il n'y a en effet pas de raison pour que les sportifs français courent moins vite que les autres, - jusqu'à l'économie et au code du travail : voilà enfin une bonne manière de mettre fin à cette odieuse polémique sur les trente-cinq heures et aux velléités de les supprimer dont font preuve certaines personnes ; il suffira de les ralentir un tant soit peu, au grès des besoins des entreprises, pour que les ouvriers puissent assurer la même production qu'ils auraient eue en trente-neuf ou quarante heures.
Nous souhaitons bonne chance au nouveau Ministre, persuadés que nous sommes que cette nouvelle réforme était indispensable et qu'elle sera de la plus grande productivité !

11:35 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (0)

01/12/2004

Conte sous la lune

Conte sous la lune






C'était l'automne, au début de décembre et il ne faisait pas froid. La lune se découpait à travers les feuilles des arbres. Un homme était couché au sol, adossé contre un rocher ; il regardait le ciel à travers les branches dénudées et respirait lentement. Il était las d'avoir trop marché. La nuit qui l'avait surpris brutalement, alors qu'il était encore loin de tout village, l'avait forcé à s'arrêter. Il n'aimait pas marcher dans l'obscurité ; sur cette route sombre et mal définie il avait peur de se blesser contre un obstacle, de choir et se tordre peut-être une cheville. Il avait vu ce rocher dans la pénombre et s'était assis. Il avait sorti une bouteille de vin qu'il avait dans un sac, accroché sur son dos, et l'avait portée à ses lèvres. Il lui restait du vin mais n'avait plus rien à manger. Il avait compté arriver dans un village où il aurait pu trouver un commerce ouvert et acheter des victuailles, mais il était trop tard. Avec la nuit il risquait de se perdre et de toutes façons, entre coucher dans la forêt ou arriver dans un village aux portes closes, il n'y avait pas une très grande différence. Ici, au moins, il n'y avait pas de chiens qui aboient ni de volets qui s'ouvrent pour guetter à qui appartiennent les pas qui résonnent dans la nuit.
Il ne lui restait plus rien à manger ; il ne lui restait que du vin mais il pouvait attendre, il n'avait pas très faim. Il était fatigué d'avoir marché des heures et des heures sur les chemins de cette contrée où les villages sont éloignés les uns des autres. Tant que le sol était sec il était aussi bien ici que n'importe où ailleurs. Bien sûr, il aurait apprécié de coucher dans les draps frais d'une chambre d'hôtel ; Il aurait pris une douche chaude et se serait étendu, nu, sur le lit grand ouvert, sans pudeur, bien à l'abri derrière les murs de la chambre. Mais il n'était pas gêné non plus à l'idée de dormir dans la forêt. Ce n'était pas la première fois, loin de là, et tant que le temps n'était pas froid...
N'ayant rien à faire il n'avait pas besoin de lumière. Les premières fois qu'il avait dormi ainsi c'était ce qui l'avait le plus dérangé et puis il s'était habitué. Il avait compris que la lumière ne lui aurait servi à rien : Il n'avait pas de cuisine à préparer, pas de livre à lire ; il n'avait qu'à s'allonger et regarder le ciel dans lequel couraient les nuages.
Certaines fois il essayait d'imaginer ce qu'aurait été sa vie s'il n'avait jamais marché, si il était toujours resté au même endroit, assis, à regarder les mêmes choses. Il sourit à cette idée ; il pensait que c'était le sort de beaucoup de gens et que ces gens ne s'en rendaient même pas compte le plus souvent. Lui, cela faisait maintenant des années qu'il marchait, jour après jour et sans aller nulle part. Et comme il n'avait pas de but, il allait partout. Il avait traversé des milliers de villages, contemplé des milliers de paysages ; il n'avait pas vraiment besoin de compagnie : de temps en temps, quelques mots lui suffisaient quand il allait dans une épicerie ou s'arrêtait dans un café. Les conversations le lassaient vite ; il les trouvait inutiles. Il trouvait que les gens ne parlaient jamais de l'essentiel, qu'ils ne s'interrogeaient jamais sur le monde, sur l'univers, sur la beauté des choses, sur la course des étoiles dans le ciel ou la signification du chant des oiseaux.
L'homme était assez âgé. Il n'était pas pauvre ; Il avait été marié et avait divorcé, et il avait eu des enfants que, après son divorce, il avait perdu de vue peu à peu. Il était resté seul ; il n'avait pas comme on dit, "refait sa vie". Il s'était simplement contenté de la voir couler comme l'eau d'un ruisseau qui ne sait pas trop où elle va et se contente de suivre la pente la plus propice. Un jour, la limite d'âge venant, il avait du cesser son travail et s'était trouvé à la retraite. Il n'était pas très vieux, mais quand l'entreprise dans laquelle il travaillait l'avait licencié on lui avait dit que de toutes façons il ne retrouverait plus rien et qu'il faudrait qu'il s'habitue à ne plus travailler. On lui avait versé une indemnité qui n'était pas énorme mais dont les revenus mis au bout de sa retraite lui assuraient de quoi vivre. Il n'était pas très dépensier ; il était d'une nature assez contemplative et n'avait pas de gros besoins. Alors, après quelques mois passés à tourner en rond dans son quartier, il avait décidé de partir sur la route et avait mis un locataire dans sa maison.
Déja, avant, c'était un randonneur ; pendant ses vacances il avait l'habitude de partir une ou deux semaines sur les petites routes de montagnes ou de suivre les chemins douaniers du bord de mer. Alors il avait commencé à marcher à longueur de journée, sans jamais savoir où il allait. Il ne voulait pas se donner de but et comptait en toute chose sur le hasard. Au cours de son étrange randonnée il dormait dans des petits hôtels et mangeait dans des petits restaurants bon marché. Il lui arrivait de rester quelques jours au même endroit quand il le trouvait très beau et qu'il voulait en profiter un peu, mais, de manière générale, quand il était arrivé le soir dans un village il en repartait le lendemain matin, toujours du même pas lent et régulier. Il lui arrivait de temps en temps de se faire arrêter par les gendarmes ou contrôler par la police. Quand il passait dans les villages on le prenait pour un vagabond. C'en était un en quelque sorte, mais comme ses papiers étaient en règle et qu'il avait toujours de l'argent sur lui et pouvait le justifier personne n'avait rien à lui reprocher. Les gendarmes en étaient quitte à se gratter la casquette et à se demander avec quel drôle d'oiseau ils avaient affaire.
Il ne comptait pas les kilomètres et ne cherchait pas à parcourir de longues distances. La seule chose qui lui importait était de voir le monde défiler sous ses yeux et d'avoir le temps de le contempler. Bien sûr, voyageant ainsi, sans plan ni méthode, il lui arrivait de se tromper dans ses estimations de distance ou d'arriver le soir dans des villages où il n'y avait aucun hôtel ni endroit où coucher. Comme il était très digne il considérait que frapper à une porte pour demander le gîte aurait été s'abaisser et il s'interdisait de faire ce genre de choses. C'est ainsi qu'il lui arrivait de dormir dehors, comme cette nuit dans la forêt. Il n'en était pas malheureux ; il avait le sentiment que le monde lui appartenait et il se sentait chez lui sous le ciel étoilé.
Il se souvenait avoir lu, quand il était jeune, une bande dessinée de Gébé où le héros, étant couché dans l'herbe et regardant les étoiles, se prenait pour la figure de proue du vaisseau spatial "Terre". Il avait admiré cette image et se sentait très proche de cette sentation. Il y a bien longtemps, quand il avait été étudiant, il avait fait des études de philosophie. Il se rappelait les grecs anciens, les stoïciens, Diogène, les stylistes et toutes ces écoles de pensée qu'il rapprochait des yogis indiens qui se promènent nus et couverts de cendres et sont capables de rester des années debouts sur une seule jambe. Il trouvait qu'après tout, ces courants philosophiques étaient tous originaires du même tronc commun, quelque part au sud de l'Himalaya, de la même pensée polythéïste qui plaçait l'homme au sein de la nature en interaction avec les dieux et les fleurs, les étoiles et les animaux.
Il écoutait les bruits de la forêt : le hululement régulier des chouettes qui se répondaient et qui était facile à identifier, mais aussi des tas d'autres bruits, des appels, des chuchotements, des frottements qui venaient de l'obscurité toute proche et qui lui disaient que la forêt avait oublié sa présence, ou au moins s'était habituée à lui. Tous ses sens étaient aux aguets ; il cherchait à se représenter toute cette vie qu'il entendait et qu'il ne pouvait voir. Il attendait : il pensait qu'un jour il ferait tellement partie de cet environnement que les animaux viendraient lui rendre visite et cesseraient de se cacher. A force d'écoute et de communion toujours la même chose se passait : au bout d'un moment il sentait son corps se dissoudre et seul le ciel existait. Il avait l'impression de parvenir à n'être qu'un pur esprit et à oublier ses contingences physiques. Il s'endormait. Alors la lune se voilait les yeux d'un masque de nuages et pour lui faisait l'obscurité.



30/11/2004

Les petits bateaux

Les petits bateaux


Quand les petits bateaux qui passent
Au fond de la mer se prélassent
Ce ne sont plus que des épaves
Et leurs matelots des cadavres.
Non ce n'est pas sous cette amure
Qu'ils ont la plus belle des allures ;
C'est qu'ils ne sont pas faits pour ça
Ces petits bateaux là !

Quand les petits avions qui volent
Du haut de l'air tombent au sol
Ce ne sont plus que des épaves
Et leurs passagers des cadavres.
C'est une solution radicale
Que celle du vol vertical
Mais sont ils donc bien faits pour ça
Ces petits avions là ?

Quand les petits hommes qui travaillent
Devant la télévision baillent
Ce ne sont plus que des épaves
Et leurs jolis yeux des cadavres.
C'est sûr qu'ils n'ont pas la faconde
D'un anarchiste épris de fronde ;
Ne sont ils donc pas faits pour ça
Ces petits hommes là ?

Quand les enfants qui ont grandi
Oublient leurs jeux pour des soucis
N'ont de leurs rêves que les épaves
De leurs désirs que les cadavres
Ils voient se défiler la vie
Sans un regret ni une envie
Mais sont-ils donc bien faits pour ça
Ces petits enfants là ?

18:50 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

A table !

A table !


A cette époque je célébrais l'alcool.
Quand, quittant le travail, je revenais dans mon quartier, je flânais devant les vitrines des magasins en me demandant ce qu'encore une fois j'allais bien manger. Je ne pensais pas à boire. A ce stade de la réflexion je me serais bien contenté d'eau. Mais, en passant devant les étalages des poissonniers, des charcutiers, des bouchers ou des marchands de légumes, au moment de faire un choix, d'hésiter entre le fromage et le dessert, je commençais toujours à me demander ce que j'allais boire pour accompagner ce que j'allais acheter. Il ne me semblait pas absolument avoir une volonté alcoolique, comme disent les psychologues, ni manquer de volonté, comme dit le parler populaire. C'était simplement une affaire de goût. Le vin blanc allait mieux avec le poisson et certaines entrées froide, et le vin rouge avec le fromage. Pour le plat principal, sachant que j'étais seul, je tâchais de choisir un vin qui put correspondre avec le reste du repas. D'ailleurs, solitaire, je buvais rarement plus d'une bouteille ; et encore, souvent ne la finissais-je même pas. Mais je mettais un point d'honneur à trouver le breuvage qui put transformer en fête le moindre dîner de solitude. Quand j'entrais dans un magasin j'allais d'abord au rayon des viandes. Là, je les regardais toutes : le veau, le bœuf, le porc, les abats ou les gros morceaux, les grillades ou les pièces à rôtir, les bouillis et les ragoûts. Je ne les choisissais pas en fonction de la saveur que je leur présumais, mais à cause de leur apparence. J'aimais les pièces qui me paraissaient saines, tendres, à la fois fraîches et suffisamment rassies, dont la couleur montrait que s'était effectué le lent processus de transformation chimique qui les préparait à une dégustation savoureuse et qui présentaient un fin réseau de lignes de graisses qui prouvait qu'elles allaient rester tendres et onctueuses pendant la cuisson. Je les imaginais avec la sauce qui allait les recouvrir ou au contraire dans l'absolue nudité d'une chair que l'on se contente de poser sur le grill. Je réfléchissais à la manière dont j'allais les cuire pour qu'elles restent tendres et moelleuses et je visualisais la présentation de mon plat : les viandes blanches s'accordent bien avec les légumes de couleur pâle et les viandes rouges avec les couleurs chaudes et les verts prononcés. On peut bien sûr faire des choix différents, il n'y a pas de règle absolue, ce qui compte avant tout étant l'enchantement que l'on éprouve à l'arrivée du plat. Mais je m'étais fixé un certain nombre de règles esthétiques. Et pour moi l'esthétisme résidait autant dans le goût que dans la présentation. Tout devait être une œuvre : autant le geste précis qui tronçonnait les légumes que la juste température de l'huile dans laquelle on précipitait les morceaux de poulet ou de bœuf. Et partant du choix initial d'une pièce de boucherie j'imaginais toute une palette de saveurs. Autour du plat principal, suivant mon appétit et surtout quand j'attendais des invités, je composais le reste de mon dîner : les entrées, faites souvent de poisson froid que j'avais pêché avec mon bateau et que j'apprêtais en entre-mets les plus divers comme des flans ou des terrines de poisson, ou des fruits de mer, ode permanent aux côtes de Normandie où l'on pêche à pied toutes sortes de coquillages et de crustacés que l'on mange de la manière la plus simple mais la plus savoureuse. Plus rarement je servais des charcuteries, sauf quand j'avais envie d'évoquer le souvenir d'un jour ou je m'étais régalé chez l'un ou l'autre de mes amis, puis, venaient les fromages. Souvent, arrivé là, je calais, surtout quand j'étais seul ; mais dès que j'avais des invités je composais une assiette ou un plateau dont je choisissais les ingrédients un par un : il me fallait toujours un chèvre et une pâte cuite, un bleu et un fromage à croûte jaune, comme les normands Pont-l'Évêque ou Livarot, le picard Maroilles ou l'Époisses bourguignon. Bien sûr, parmi les fromages jaunes j'essayais toujours de trouver une place pour le Munster si fort d'odeur mais si doux de goût et pour le Rouy mayennais. Parmi les bleus c'est le Roquefort au lait de brebis qui avait ma préférence, mais de temps en temps je me laissais tenter par un Gorgonzola italien ou un bleu du Danemark au goût si fort qu'il peut faire croire à un viol du palais tant qu'on ne l'a pas apprivoisé mais qui, passé la première surprise de cette brutalité sauvage et exotique, laisse l'impression d'une révélation à apprécier à dose homéopathique comme les piments terribles de la caraïbe. Pour les chèvres c'était plus simple : je les aimais tous de manière égale et l'on a l'impression, quand on mange du chèvre de porter à sa bouche toujours le même fromage : seul change le degrés de maturation, mais il y a une surprenante constante dans le goût des fromages de chèvre : on peut l'aimer ou ne pas l'aimer, mais un chèvre est toujours un chèvre au contraire des fromages de vache qui sont si différents les uns des autres. Je pense que cela doit venir du caractère caprin : ce sont des animaux vraiment têtus, beaucoup moins dociles, même s'ils s'apprivoisent facilement, que les brebis ou les bovidés. Ils gardent toujours leur caractère inaltérable et leur regard, avec leurs yeux fendus, est encore pire que celui des chats. Les chèvres savent rire en bondissant sur les talus et leur air moqueur donne son goût au fromage ; d'ailleurs, le fromage de chèvre quand il est très fort est appelé fromage de bouc ; le bouc n'est-il pas l'image du diable ?Et quelle fermière ne se sera jamais méfiée de leurs sabots pointus pendant la traite ? Elles manquent de force, certes, mais pas de vivacité ! Je mettais aussi pour adoucir la bouche, à la fin de l'assiette, un morceau de pâte cuite comme un Comté parfumé ou un tendre Emmenthal, un de ces fromages que l'on mange sans pain !
Quand j'avais choisi tous les éléments de mon repas je me mettais en quête du breuvage magique et je faisais trois ou quatre fois le tour du rayon des vins. Je n'ai jamais bu de très bon Bordeaux ; ceux que je trouvais dans le commerce et qui étaient à portée de ma bourse me paraissaient âpres et sans saveur. De loin je leur préférais un vin des Côtes du Rhône fort de caractère et parfumé comme un Crôze - l'Ermitage ou un Vacqueyras, à moins que je n'ailles trouver dans quelque magasin improbable un Corbières Montagne d'Alaric, à la renommée confidentielle mais au goût miraculeux ! Pour les blancs je préférais les vins d'Alsace au parfum si fruité ou les Bourgognes aligotés qui emplissent le palais d'effluves de terroir, mais en réunion nombreuse j'aimais terminer le repas par un Monbazillac glacé qui était délicieux avec les desserts et qui me rappelait mon enfance où j'avais découvert cette tradition chez ma grand mère. Parfois, en circonstances exceptionnelles, je sortais du fond d'une armoire une bouteille de vieille prune blanche ou de mirabelle comme j'avais vu les paysans en boire quand j'étais enfant, en Lorraine, et je me laissais aller à une dégustation voluptueuse et immobile. Alors, l'esprit embrumé et le corps repu, je m'endormais en écoutant de la musique et j'oubliais tous les projets, tous les désirs qui m'avaient porté toute la journée !

27/11/2004

Hommage à Lewis Caroll

A Lewis Caroll






Sourire de chat:






Par un beau matin de Juillet
Un sourire de chat m'attendait
Au coin d'un arbre, d'une forêt.
« Elle est partie par là »
Me dit le chat
Qui me souriait obligeamment.
« Quel animal intéressant,
Comme il a l'air intelligent! »
Me dis-je, à la pensée émue
De voir ma fièvre ainsi connue.
« De ce pas m'en vais la chercher,
Voudriez vous m'accompagner?
Enfin, si vous voulez? »
« Néni » dit l'animal;
« Je vous comprend, c'est bien normal,
Mais foi de mathématicien,
Si vous empruntez ce chemin
Vous modifierez ses données,
Ce ne sera plus le même chemin,
Comment dés lors la retrouver?
Mais faites ce que vous voulez,
Ce sera sûrement intéressant. »
Dit le sourire, intelligent.

17:55 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

26/11/2004

L'art de faire chanter les serins

L'art de faire chanter les serins:






Une première chose que l'on voit souvent pratiquée consiste à leur arracher les plumes du bout des ailes. C'est un moyen assez efficace, mais hélas sans cesse à recommencer, les plumes ayant une fâcheuse tendance à repousser. C'est pourquoi je conseillerai plutôt aux amateurs de sectionner à l'aide d'un bistouri le tendon reliant le tarse au métatarse. Cette opération présentant l'inconvénient de laisser pendre l'extrémité de l'aile il suffira de la pratiquer sur un seul côté de l'oiseau et de l'habituer à se présenter de profil en cachant le côté mutilé. Ce procédé ne fait pas que l'oiseau chante mieux, mais au moins il l'empêche d'aller chanter ailleurs.
Certains serins chantent seuls de manière naturelle. Pour ces oiseaux il ne s'agira que d'améliorer leurs capacités innées et ils occuperont la plus grande partie de notre article. Pour ceux qui refusent de chanter il est un procédé si connu du grand public qu'il n'y a pas besoin de beaucoup en parler: Il consiste à leur crever les yeux; c'est assez efficace, surtout pendant la première heure.
Une fois que votre oiseau aura appris à vocaliser, il devra encore apprendre à moduler son chant: certains serins ont un cri rauque proche de celui du corbeau. Ce n'est pas très joli et en tous cas pas agréable aux oreilles des jeunes filles que vous voudrez attirer chez vous pour leur montrer votre petit oiseau.
S'il ne sais pas siffler fendez lui la langue en deux comme celle d'un serpent.
S'il ne sait pas rouler les airs greffez lui un minuscule grelot sous la voûte palatiale, mais faites attention de ne pas le prendre trop gros, cela pourrait l'étouffer.
S'il ne chante pas assez fort maintenez le gonflé grâce à un mécanisme pneumatique qui augmentera ses capacités de résonance.
S'il chante trop fort vous avez le choix entre le couvrir d'un chapeau de feutre ou le faire taire d'une pichenette.
Pour obtenir un chant régulier et diversifié il suffira de fixer son perchoir sur une sorte de piston qui montera et descendra de manière aléatoire. Ce piston pourra être mu par un moulin à vent, l'eau d'une rivière ou toute forme d'énergie inépuisable. Pour les habitants des villes il existe des systèmes d'appartement à manivelle, mais nous les déconseillons car ils sont assez fatigants à utiliser et ne permettent pas une véritable détente. L'oiseau étant attaché sur le piston chantera et battra des ailes pour conserver son équilibre d'autant plus que le mouvement sera rapide et saccadé. C'est du plus heureux effet et ne manquera pas d'ébahir vos invités.
Si enfin malgré toutes ces techniques vous n'arrivez à rien avec votre serin, jetez le. On trouve encore sur les marchés aux puces de très jolis automates datant du siècle dernier.

Lit de roses

Lit de roses



Je t'imagine couchée dedans un lit de roses
Leurs pétales nacrés te faisant comme un drap
Souriant les yeux fermés pendant que je dépose
Un baiser sur tes lèvres et te prends dans mes bras

10:40 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

25/11/2004

J'ai traversé...

J'ai traversé...






J'ai traversé de noirs, de lourds orages de grèle
Que l'on voyait de loin unir la terre au ciel
Comme une masse intense toute semée d'éclairs
Où le vent qui soufflait, amenant le tonnerre
Chassait aussi les branches, les feuilles et les nuages.
Et je suis arrivé, après ce grand orage,
Qui avait nettoyé, du soleil, la lumière
Dans un pays d'herbages dont le coeur était vert
D'un vert tendre et fragile comme un premier printemps...





17:00 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

24/11/2004

P'tit chien



P'tit chien








C'était il y a très longtemps, quand j'habitais Barcelonne. Je vivais tout en haut d'un vieil immeuble de la Calle Hospital, au coeur du Barrio Chino. Des chinois je n'en avais jamais vu dans le quartier, mais il devait tenir son nom des temps anciens où, depuis le port tout proche, des bateaux partaient vers le lointain orient. La façade de l'immeuble était noire d'histoire ; Barcelonne ne ravalait pas encore ses batiments à l'instar de Paris et les siècles qui étaient passés depuis sa construction avaient déposé des couches de suie et de poussière qui, recouvrant la pierre sculptée d'une patine mélangée de mousse, augmentait encore l'aspect gothique de l'immeuble.
Une nuit où je rentrais chez moi après une soirée prolongée dans les bars du Paseo de Gracia j'empruntai les Ramblas après avoir traversé la Plazza de Catalunya. Il avait plu et les trottoirs mouillés reflétaient la lumière des réverbères. Malgré l'heure tardive il y avait encore de l'animation sur les ramblas. Certains kiosques de fleuristes étaient ouverts toute la nuit et il y avait toujours quelques cireurs qui étaient là, prêts à sortir un paquet de cigarettes de contrebande de dessous la caisse de bois où ils rangeaient leur matériel. Toute la nuit du monde passait ; il y avait les prostituées et leurs clients, mais aussi toute un foule d'individus qui naviguaient de bar en bar, qui sortaient du dernier café pour attendre le premier boulanger, qui veillaient pendant des heures et des heures et n'allaient se coucher, rassurés, que quand le jour commençait à se lever. Souvent je m'était demandé quel mystérieux rapport reliait les noctambules, qui se disent amoureux de la nuit, à cet étrange moment du jour ou justement il ne fait pas jour. J'avais entendu parler de ces peuples d'Afrique dont l'islamisation était récente et qui, rassemblés autour d'un feu, mangeaient du cochon sauvage pendant ces heures ténébreuses car ils pensaient que Dieu ne pouvait pas les voir. D'autres fois je m'étais demandé si les noctambules aimaient vraiment la nuit, s'ils lui faisaient vraiment confiance, incapables qu'ils étaient de lui confier leur sommeil. Mais je n'avais jamais trouvé de réponse et je m'étais contenté comme tout un chacun de profiter au maximum de ces heures qui appartiennent à ceux qui n'ont rien à faire et se retrouvent entre eux quand la ville s'est libérée de l'agitation affairée des laborieux.
A un certain moment j'entendis un trottinement feutré qui me suivait à quelques pas. Je me retournai et je vis près de moi un petit chien au poil tout ébouriffé qui me regardait la tête penchée avec une expression amusante et sympathique. Je me penchai pour lui caresser la nuque ; il avait l'air si content et si affectueux que je m'attendais presque à le voir ronronner comme un chat. Je me relevai et repris ma marche vers la Calle Hospital avec la ferme intention de rentrer chez moi. Le petit chien me suivait, tantôt derrière, tantôt devant, tantôt marchant à côté de moi. Il me serrait de si près que plus d'une fois je faillis tomber en évitant de lui marcher dessus. Je ne savais qu'en faire, mais lui m'avait adopté. Je commençais à regretter de m'être arrêté pour le caresser. Il devait être égaré, à la recherche d'un nouveau foyer, et croyait sans doute qu'il avait trouvé en moi ce qu'il avait perdu ailleurs. Au bout de quelques minutes j'arrivai devant la porte de mon immeuble. Celle-ci était fermée et il fallu que je cherche ma clé au fond de mes poches. C'était encore un ancien système : il y avait plusieurs poignées donnant sur la rue, reliée à tout un système de tringleries et de cables qui actionnaient des cloches se trouvant à chaque étage. Les visiteurs devaient tirer ces sonnettes mécaniques et attendre qu'on vint leur ouvrir après les avoir identifiés dans le miroir d'un rétroviseur qui se trouvait à la fenètre. La porte devait rester fermée à clé à tout moment et il y avait toute cette installation archaïque qui permettait de se protéger des importuns. Hélas, il n'y avait pas de sonnettes pour les chambres du dernier étage. Les bonnes qui jadis y dormaient étaient sans doute supposées ne pas recevoir de visites et on n'avait pas jugé utile d'installer quelques tringles et quelques cables de plus. Maintenant que les bonnes avaient été remplacées par des étudiants cela n'avait pas changé et c'est pourquoi, sans doute par esprit de vengeance ou de révolte libertaire, certain de mes co-locataires négligeaient de fermer la porte à clé. Pourtant cette nuit là elle était bien fermée et je fus heureux de ne pas avoir oublié la mienne. Pendant que j'ouvrais ma porte en ayant en tête toutes ces considérations sur les sonnettes je sentis le petit chien qui se faufilait entre mes jambes. Je l'avais oublié quelques secondes mais lui avait été habile à s'introduire dans l'immeuble. Il avait l'air si mignon que j'eu pitié de lui et que je l'autorisai à monter avec moi.
" Tu viens, lui dis-je ; mais pour cette nuit seulement tu entends ? Pour cette nuit seulement parce que demain je te remets dehors ! C'est tout petit chez moi, ajoutai-je, tu verras, il n'y a pas de place !
En même temps que je disais cela j'avais bien conscience de n'en n'être qu'à moitié convaincu et je ne savais pas trop comment je m'y prendrais pour m'en défaire si lui avait vraiment l'intention de rester avec moi. Il entra à ma suite dans ma chambre et se coucha par terre devant la porte. Au moins il avait l'air d'avoir tout de suite trouvé sa place, il devait sans doute être habitué à s'installer là dans son ancien domicile.
" Tu sais plus où c'est chez toi, lui demandai-je ; t'as pas un maître qui t'attend ou un petit garçon qui pleure parce qu'il a perdu son chien ?
Il me regardait avec une expression très intéressée mais ne trouva rien à répondre. Pendant ce temps là je me déshabillais tout en lui parlant comme si c'était à quelqu'un qui pouvait me comprendre et soutenir une conversation. Je n'avais jamais eu de chien mais j'avais l'impression que c'était comme cela qu'il fallait faire quand on en avait un, qu'il fallait lui dire des choses, n'importe quoi, mais sans arrêt car s'il ne comprenait pas les mots il devait sentir qu'on s'adressait à lui. Je lui mis un saladier plein d'eau devant l'évier et me couchai après avoir enfilé un pyjama. Ma chambre était minuscule et il n'y avait guère de place, sauf pour tourner autour du lit, de sorte que quand j'y étais je n'avais guère d'autre choix que de me coucher.
Bien sûr, dès que je fus au lit il y sauta et vint s'allonger sur mes pieds. Je tentai de le repousser, de le faire redescendre mais il était têtu et me resistait en grognant pour me montrer que c'était lui qui commandait et que je devais accepter sa présence sur le lit. Je commençais à être vraiment embêté et ne savais plus comment m'y prendre pour le faire obeïr. A ce moment je fus surpris par un étrange phénomène : en le regardant j'avais l'impression qu'il s'était mis à grossir. Il ne faisait plus la taille du minuscule petit chien que j'avais trouvé dans la rue, mais avait dépassé celle d'un grand caniche et continuait à enfler, gonfler, grossir de tous les côtés, par devant, par derrière, par dessus et dessous, si bien qu'en très peu de temps il occupa tout le lit. Il avait atteint puis dépassé la taille d'un Saint-Bernard, ressemblait désormais à un veau et continuait de grossir encore. Moi j'étais dans mon lit, couché sous lui et je ne savais pas par quel miracle je n'étais pas écrasé par son poids . A force de grossir il avait fini par toucher les murs de la chambre, par toucher le plafond et il n'y avait plus un espace qui ne fut occupé par sa masse énorme. Moi j'étais en train d'étouffer, je n'arrivais plus à respirer ; ses poils pénétraient dans ma bouche, dans mon nez et je me débattais comme je pouvais pour essayer de le repousser. A ce moment là il écrasa l'ampoule qui brillait au plafond, il y eut une petite explosion et je me retrouvai assis dans mon lit en proie à une angoisse incommensurable. Je mis quelques instants à reprendre mon calme et réalisai que je venais de m'éveiller d'un cauchemard ; il n'y avait pas, il n'y avait jamais eu de chien. Je restai assis ainsi pendant quelques minutes, les pieds pendant du lit vers le sol et tout à coup je vis sur la moquette les quelques morceaux de verre de l'ampoule brisée.

Conférence agricole

Projet agricole:
( conférence )

... « A part ceci je m'occupe, comme vous le savez, d'activités diverses. En ce moment je mets la dernière main à un projet que je vais présenter bientôt au gouvernement et qui aura pour but d'aider le monde agricole.
Personne ne l'ignore, l'agriculture est un métier difficile, principalement parce que la terre est basse. Alors j'ai conçu un système de vérins hydrauliques mus par l'énergie solaire qui permettrait de relever la surface du sol d'un mètre. Une grande difficulté de cette entreprise tient en ce que la surface colle au fond. Un appareil fonctionnant sur le principe du fil à couper le beurre et actionné par un jeu de tringles relié aux vérins hydrauliques permettrait de contourner cette difficulté. De plus, l'espace ainsi dégagé entre le fond et la surface permettrait de stocker des céréales ou des hydrocarbures achetés aux moments où les cours sont les plus bas et mettrait définitivement le pays à l'abri d'un certain nombre de mauvaises surprises. Les économies ainsi réalisées suffiraient à amortir le coût des travaux de relèvement du sol et les revenus des brevets déposés par le premier pays à se lancer dans cette grande aventure lui feraient occuper une position dominante et d'avant garde dans le domaine de l'ingénierie des grands travaux... »

Merci de votre attention

23/11/2004

Conte dans les nuages

Conte dans les nuages






C'était en avril 1944. Mon père revenait d'une mission de bombardement dans la Ruhr. Le soleil, qui se levait dans son dos, lui indiquait qu'il était dans la bonne direction et qu'il filait droit vers l'Angleterre. En pleine bagarre, une balle, venue d'un chasseur allemand, avait traversé son tableau de bord et avait coupé toute vie à ses instruments. Le chasseur avait disparu, sans doute abattu par un autre appareil de l'escadrille des Forces Françaises Libres à laquelle mon père appartenait. Lui avait continué tout droit, encore et encore, pour échapper à cette mort qui le poursuivait. Et puis il s'était retrouvé seul dans le ciel libre au moment où le jour se levait. Il ne savait pas très bien où il était, mais savait qu'il n'avait qu'à voler vers l'ouest et finirait bien par atteindre la côte et la mer, et de là, l'Angleterre. Il ne voyait pas le sol car il volait au dessus des nuages. Ne s'étant, pour sa mission, pas enfoncé profondément au coeur de l'Allemagne, il savait qu'en moins d'une demi-heure il serait au dessus de la mer, hors d'atteinte de la DCA allemande. Son moteur ronronnait gentiment, et n'eut été cette panne d'instruments qui le privait de toute position, d'altimètre, de vitesse mais aussi de radio, il aurait été tout à fait rassuré. Mais il s'était déjà trouvé dans la même situation et n'avait pas eu de mal à rentrer. Dans quelques temps il pourrait redescendre au dessous des nuages et voler à vue jusqu'à se poser sur n'importe quel aérodrome anglais. Pour le moment cette couche cotonneuse le protégeait et il n'avait qu'à voler en se fiant au soleil. De temps en temps il voyait de petits nuages qui explosaient assez loin de lui. En bas, les allemands, qui l'entendaient sans le voir, devaient enrager et tirer au hasard. Bientôt, ces témoignages de la DCA allemande disparurent dans son dos. Il devait avoir franchi les ultimes lignes de défense qui auraient pu lui couper la route du retour. Soudain il entendit son moteur qui changeait de régime. Cela dura quelques secondes et puis tout s'arrêta. Il n'avait plus de carburant ; la balle qui avait brisé ses instruments devait aussi avoir endommagé son arrivé d'essence et le réservoir s'était vidé à son insu. Son avion commença à piquer du nez et à se rapprocher du sol. Il leva la main au dessus de sa tête et déverrouilla la poignée de sécurité du cockpit de plexi-glass. Celui-ci, chassé par la force du vent, s'arracha dans un bruit de tonnerre. Il avait, au cours de ses entrainements, mille fois répété ces gestes et savait parfaitement ce qu'il avait à faire. Il défit son harnais de sécurité, et, se cramponnant au bord de l'appareil avec le vent qui lui fouettait le visage, il se laissa glisser le long de la carlingue de l'avion. Le moteur était coupé et il vit l'appareil qui s'éloignait en silence. Il n'entendait que le bruit du vent qui mugissait dans ses oreilles.
Il tira la poignée de commande d'ouverture de son parachûte et rien ne se passa. Il tira encore une fois, deux fois, trois fois, il ne se passait toujours rien. Il essaya avec son parachute ventral, plus petit, qui ne devait servir qu'en cas d'extrême urgence car il freinait moins et son utilisation était dangereuse, mais rien ne se passa là non plus. Il devait y avoir eu un problème à l'atelier de pliage et c'était tombé sur lui. Cela arrivait quelques fois, mais les pilotes étaient rarement là pour le raconter. Calculant rapidement à quelle altitude il devait voler quand son moteur s'était arrêté, il comprit que sa chute durerait moins d'une minute. Un corps qui tombe dans le vide atteint une vitesse stablisée de deux-cent-cinquante kilomètres heures. Chutant depuis une altitude de quatre mille mètres il en avait à peu près pour une minute. La minute la plus longue - et aussi la plus courte - de sa vie de jeune aviateur. Il avait à peine vingt ans et n'avait jamais songé que les choses pouvaient se terminer ainsi ; il s'attendait à mourir, bien sûr, mais dans une grande explosion au cours d'un combat aérien, pas ainsi dans une chûte inéluctable. Il revit son enfance en Lorraine et puis très vite sa fuite à seize ans pour échapper à la mobilisation dans l'armée allemande. Il était allé en Espagne, avait été interné là-bas dans un camp de concentration, puis, parlant anglais, il s'était fait passer pour un américain. Les espagnols renvoyaient les français échappés, à plus forte raison les lorrains et les alsaciens qui étaient considérés comme des déserteurs de l'armée allemande. Le consul des Etats-Unis, qui passait là à la recherche de ses compatriotes - C'était en mille neuf cent quarante et un et les américains n'étaient pas encore entrés dans la guerre - vit tout de suite à qui il avait affaire et le prit sous sa protection. De là mon père passa en amérique et rejoignit les Forces Françaises Libres en angleterre.
Il songea à Gladys, sa jeune épouse anglaise qui lui avait donné un enfant. Ils étaient tous les deux à peine plus que des adolescents quand ils s'étaient rencontrés et dès leurs premières amours Gladys s'était trouvée enceinte. Le père de la jeune fille, au début, avait été furieux, surtout que ce fut avec un de ces "frenchies" qui avaient été vaincus, avaient capitulés et avaient laissé l'Angleterre se battre seule contre la barbarie hitlerienne. Puis, avec le temps, comme il aimait sa fille, il avait accepté qu'elle se maria avec son diable de frenchie. Comme c'était encore le début de la guerre et que les Forces Françaises étaient seulement en train de se former et ne participaient encore à aucune opération, les deux jeunes époux vivaient dans la maison des parents de Gladys et mon père rentrait tous les soirs.
Soudain, dans sa chûte, il traversa la couche de nuages. Il vit qu'il était au dessus de la mer. Il n'y avait aucune trace de son avion qui avait du continuer plus loin, en vol plané, avant de s'abîmer dans les flots. Pour lui cela ne faisait aucune différence. Mer ou terre, à la vitesse à laquelle il allait, la surface de l'eau aurait la solidité d'un mur et son corps serait disloqué au premier contact. Il avait froid, le vent qui entrait dans son blouson le réfrigérait. Il hésita entre se rouler en boule pour se protéger de la température et accélèrer sa chûte sans issue ou, au contraire, ouvrir son corps à plat pour se ralentir et se donner quelques secondes de vie supplémentaires. En bas il voyait des bateaux, des escorteurs de la Royal Navy. Il ne devait pas être loin des côtes anglaises et son parcours allait s'arrêter là.
Il repensa à Gladys, sa jeune épouse et à leur enfant. Peut-être après tout sa mort était elle normale. Il n'aurait personnne pour le regretter et c'était finalement bien que sa vie s'arrêta là. Gladys et son fils avaient été tués dans un bombardement alors qu'il était aux Etats-Unis en formation de pilote. Il avait reçu un courrier de son beau-père qui lui annonçait la triste nouvelle. Quand il était rentré en Angleterre, quelques mois plus tard, il n'avait pu qu'aller se recueillir sur leur tombe. Il avait l'impression que sa vie s'était terminée ce jour là. Après, les missions au dessus de la France ou de l'Allemagne s'étaient enchaînée les unes après les autres. Il prenait tous les risques et était considéré comme un héros, mais ce que personne ne savait c'est que son énergie n'était que celle du désespoir et qu'il avait à la fois envie de tuer et de mourir, et s'il restait en vie, c'était simplement pour pouvoir continuer à tuer encore.
En bas, il vit les bateaux qui grossissaient, la mer qui se rapprochait. Il n'en avait plus que pour quelques secondes. Il n'avait plus rien à regretter. Sa vie avait été rapide et courte, mais tous les jours il y avait des milliers de personnes qui mouraient à cause de cette guerre. Il faisait simplement partie du lot et dans quelques jours tout le monde aurait oublié son existence.
Soudain il sentit une secousse violente et une douleur vive qui lui déchirait les aisselles. Sa chûte se ralentit brutalement et il sentit son corps qui se balançait au bas du parachûte qui venait de s'ouvrir. Tout repartait.


22/11/2004

L'assassin et la petite fille

L'assassin et la petite fille



La petite fille pleurait
Et les gouttes de pluie
Qui tombaient sur ses cheveux
Coulaient le long de ses joues
Et se mêlaient à ses larmes.
L'assassin s'approcha d'elle,
Cachant ses mains derrière son dos.
Pourquoi pleures-tu petite fille ?
Demanda l'assassin.
Il pleut toujours
Pendant les vacances
Dit la petite fille,
C'est pas juste !
L'assassin sortit ses mains
De son dos.
Elles tenaient un grand couteau !
Le couteau à couper
Le brouillard !
L'assassin l'enfonça
Dans le ventre du nuage
Et la petite fille applaudit
En riant aux éclats !

22:10 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

20/11/2004

Soupe au génie

Soupe au génie:

Prenez un génie, pas trop gros, mais pas trop petit et une cocotte, plus grande que le génie, mais pas trop; si la cocotte était trop grande le génie pourrait se sentir seul, et il est mauvais que les génies se sentent seuls. Quand la cocotte est bien chaude jetez y le génie tout vivant, puis, en lui mentant, faites lui croire qu'il peut partir. ( Mais attention, il est difficile de mentir aux génies! ) Quand il est parti, faites le revenir en lui disant que vous l'invitez à une sauterie. En revenant il sautera dans la cocotte, vous verrez, c'est très drôle! Quand il fumera par les oreilles mouillez le de vin de palmes académiques puis parfumez d'une couronne de lauriers. ( Il est important de faire ces opérations avant la mort du génie. ) Quand le génie est attendri, ramolli, mais qu'il frémit encore, allez le déguster place de la Bastille ; tout en haut de la colonne une place vide vous attend.

La contorsionniste mongole et le sumo japonais

La contorsionniste mongole et le sumo japonais:

S'il la pénètre il la transperce. Elle est toute petite, toute souple, aux grâces enfantines et au corps disloqué par les années d'exercice. Lui, énorme, grand, gros, puissant, le regard jovial d'un enfant repu qui ne sait jouer qu'en poussant du ventre.
Il la prend dans ses mains et l'approche de sa bouche souriante. Il la lèche, la suce, l'aspire; elle se recroqueville et se vide entre ses lèvres. Lui, gourmand, il la dévorerait. Elle, petite poulette aux os épars, objet trop léger au vent d'une tornade, subit son ardeur jusqu'à presque disparaître et oublier qu'elle existe. Mais voilà le miracle: elle, si petite, si frêle, devient réceptacle de ce grand corps buffalin et dans le relâchement de la chair abeille butineuse de miel. Pendant un instant ils ont l'âge de l'univers et oublient qu'ils ne sont que ses enfants.

19/11/2004

Le dauphin, conte d'hiver

Conte d'hiver






C'était hier. J'étais allé faire un tour à la plage histoire de respirer quelques minutes le vent glacé qui soufflait du nord. Du haut de la dune, de là où s'arrêtait la route, je voyais les rouleaux gris de la marée qui montait et envahissait cette grève mélangée de sables et de vases qui s'étend depuis Saint Jean jusqu'au fond de la baie. Sur le bord de la plage on voyait des traces de chevaux qui étaient venus s'entraîner là plus tôt dans la matinée et que l'on faisait galoper dans le sable mou pour leur fortifier les membres.
J'enfilai une paire de bottes en caoutchouc que je gardais toujours dans le coffre de la voiture et je descendis vers l'eau. J'aime l'eau ; comme il y a des incendiaires qui sont fascinés par le feu, je suis fasciné par l'eau. Je n'ai jamais provoqué d'inondation mais chaque fois que je vois des prés envahis par une rivière je suis en extase devant la beauté du spectacle. Le moindre étang, la vue d'un canal, le cours sinueux d'une rivière sont des images qui me ravissent ; alors la mer, cette étendue vivante, magique et d'une force incommensurable, je pourrais rester des heures à la regarder, à l'écouter, la sentir.
La marée montait rapidement. Les petites vagues frisées d'écume courraient les unes après les autres et cherchaient les moindres creux de ruissellement dans lesquels elles pourraient avancer encore un peu plus vite. Souvent on dit que dans la Baie la marée avance à la vitesse d'un cheval au galop ; ce n'est jamais vrai et c'est sans doute quelque poète à la recherche d'une image forte qui est à l'origine de cette légende que les habitants des villages côtiers se plaisent à répéter pour impressioner les touristes. Néanmoins c'est toujours une vision étonnante que cette masse d'eau qui parait sans limite et se déplace sans cesse avec une régularité d'horloge.
Soudain je vis une forme sombre qui bougeait lentement entre deux eaux à quelques dizaines de mètres de moi. Je pensais tout de suite à un baigneur à cause de la forme allongée et de la masse du corps que j'entrevoyais de loin, mais je réfléchis que ce n'était pas possible en cette saison ; cela devait être une sorte de gros poisson qui s'était aventuré en ces eaux peu profondes. Je suis habitué à voir des phoques dans la Baie, soit lors de mes promenades en bateau, soit directement depuis le rivage quand ils viennent pêcher en certains endroits. On voit en général surgir une tête ronde qui regarde autour d'elle avec un air étonné, inspecte le paysage et se donne le temps de respirer avant une nouvelle plongée. Mais on ne voit jamais le corps des phoques s'ils ne sont pas étendus sur le sable à se reposer. Là, manifestement, ce n'en était pas un ; c'était d'ailleurs un plus gros animal dont la présence était complètement inhabituelle dans la région. L'eau, qui menaçait de passer par dessus mes bottes à chaque vaguelette, m'empêchait d'approcher plus près, mais l'animal lui même venait inexorablement vers le rivage et au bout d'un moment je vis clairement qu'il s'agissait d'une sorte de dauphin.
J'avais souvent vu à la télévision des reportages sur ces cétacés qui, pris d'une sorte de folie ou désorientés par un parasite ou une maladie qui les privait de leur sens de l'orientation, se jetaient sur les plages et allaient ainsi à une mort certaine. Parfois, des volontaires qui se trouvaient là réussissaient, à force de d'entêtement et de persuasion à les faire rebrousser chemin et repartir vers le large. Cela réussisait rarement, mais parfois cela marchait ; il suffisait peut-être de temps en temps d'une intervention extérieure pour que leurs sens reviennent, un peu comme ces très jeunes enfants victimes d'un cauchemard contre lequel les parents ne peuvent rien faire et que la simple venue d'un médecin suffit à appaiser. Je m'avançais vers l'animal afin de tout tenter pour lui venir en aide. Je sentis aussitôt l'eau glacée envahir mes bottes et remonter le long de mon pantalon jusqu'à mi-cuisse.
C'est en février que la mer est la plus froide, qu'elle a perdu lentement toute la chaleur quelle avait emmagasiné pendant la belle saison et qu'elle n'a pas encore vu de belles journées qui lui permettraient de se réchauffer. De surcroît, le vent du nord qui soufflait était glacial et je compris très vite que je ne pourrais pas rester longtemps dans cette position. Je m'approchai du dauphin jusqu'à le toucher et me frottai contre lui afin de lui faire sentir ma présence. Il se tourna sur le côté et je vis un petit oeil étonné qui me regardait. Il n'était pas effrayé et je ne sentais pas non plus en lui d'agressivité. Je le carressai un peu puis, le prenant à bras le corps, j'essayai de le faire changer de direction. L'animal se débattit et m'échappa en un seul coup de queue. Il se rapprochait de plus en plus du rivage. Je revins près de lui et tentai, en faisant obstacle de mon corps, de lui interdire le chemin de la plage. Il était vigoureux et je dû bientôt entamer une lutte au corps à corps pour tenter de le faire changer de direction. Vu le peu de profondeur de l'eau à l'endroit où nous étions son ventre devait certainement toucher le sable ce qui lui ôtait une partie de sa force et m'aidait dans mon travail ; mais la mer était toujours en train de monter et le front où nous menions cette lutte pacifique reculait sans cesse. Je pensai que tant que nous serions à marée montante j'aurais une chance de lui faire rebrousser chemin, mais que dès que le flux s'inverserait il serait beaucoup trop lourd pour que je puisse faire quelque chose s'il arrivait à s'échouer sur la grève. Je n'avais pas non plus le temps d'aller chercher de l'aide : quitter la plage, aller à ma voiture qui se trouvait à près d'un kilomètre et de là au village où il me faudrait encore trouver des gens disponibles et intéressés au sauvetage d'un dauphin, ce n'était même pas la peine d'y songer. Encore en été il y aurait eu des touristes ou des vacanciers qui auraient été heureux de venir me prêter main forte dans cette aventure, mais à cette heure ci, en cette saison, il ne restait au bourg que des personnes agées qui auraient été incapables de la moindre aide quelle que fut leur bonne volonté. J'étais seul, irrémédiablement seul dans cette lutte contre la mort de cet animal obstiné qui s'entêtait à se jeter sur la plage. Je commençais à greloter et à me demander si ce que je faisais n'était pas complètement vain devant la volonté qu'affichait le dauphin. Mais chaque minute était une minute de gagnée et si je réussissais à suffisament l'agacer il finirait peut-être par repartir dans l'autre sens. Soudain je vis avec effroi que la mer avait céssé de monter. Encore quelques instants et elle entamerait son reflux et c'en serait alors fini de ce noble poisson si je n'avais pas réussi à lui faire faire demi-tour. Je redoublai d'efforts pour l'empêcher de s'échouer et le maintenir dans l'eau. C'était un travail exténuant dans cette mer gelée. J'étais maintenant entièrement trempé, j'avais l'impression que mille aiguilles me pénétraient le corps et je commençais à sentir un grand froid intérieur qui me disait clairement que je ne pourrais pas continuer longtemps à rester ainsi dans l'eau. Je sentais venir le vent désolé de la défaite en même temps que mes forces commençaient à m'abandonner.
Soudain j'entendis des claquements secs et répétés qui venaient du large. Je levai la tête et je vis, à quelques dizaines de mètres de là, encore en eau suffisament profonde, un deuxième cétacé qui venait vers moi. Mais celui ci n'avait pas du tout le même comportement calme et résolu. Au contraire, il allait et venait le long de la plage sans s'approcher trop du rivage et lançait des appels affolés en faisant claquer son bec et en poussant de petits cris pointus. Que se passa-t-il alors réellement dans l'esprit de mon dauphin ? Je l'ignore, mais dès ce moment là il marqua une hésitation dans les mouvements qu'ils faisait pour échapper à ma prise. Il était lourd, et je ne réussissais pas véritablement à le tirer du sable pour le refouler vers le large, mais de lui même, en quelques soubressauts, il regagna la mer et rejoignit son congenère qui l'appelait. Je les vis se frotter amoureusement l'un contre l'autre pendant quelques instants puis ils disparurent dans les vagues sans plus se retourner.

7/2/03

ce_n_est_pas_copacabana_.jpg

Bonjour à tous !

Entrant dans un nouvel univers, je tiens d'abord à saluer tout le monde !

L'enfer, dit-on, est pavé de bonnes intentions, mais il n'a jamais été prouvé que les mauvaises menaient au ciel. Alors, comment y arrive-t-on? Par hasard?

A bientôt.