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29/11/2007

Dors

Dors,

Dors, tu ne verras plus les étoiles de l'univers,
Dors, tu ne verras plus le vent invisible qui fait bouger les feuilles,
Dors, tu ne verras plus les rêves inaccomplis,
Dors, tu ne verras plus ce que tu n'osais regarder
Dors, tu ne verras plus ceux qui te regardent encore
Dors, tu ne verras plus la misère affamée
Dors, tu ne verras plus la souffrance incomprise
Dors, tu disparaîtra à toi-même

27/11/2007

Archéologie

Archélologie



     Il y a un problème qui fait le désespoir de bien des égyptologues : Depuis le début des recherches en égyptologie des dizaines de monuments et de sépultures ont été perdus, quasi définitivement enfouis sous des milliers de tonnes de déblais. En effet, chaque fois que l'on creusait quelque part, la difficulté de transporter tous les matériaux issus des fouilles faisait que l'on se contentait de les déverser quelques mètres plus loin, sans réaliser que l'on était peut-être en train d'ensevelir des merveilles que l'on rendait inaccessibles.

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     Origène avait une méthode de rangement qu'il qualifiait d'à la fois simple et naturelle : le rangement par sédimentation, c'est à dire qu'il se contentait de poser sur une grande table qui lui servait de bureau tous les différents papiers qu'il accumulait dans le cadre de son activité professionnelle. Il y avait aussi bien des factures que des publicités, des commandes de clients ou des lettres personnelles. De manière logique, les plus anciens se trouvaient en dessous et les plus récents dessus.  La seule chose à laquelle il devait prendre garde était de ne rien égarer, mais enfin, il était bien rare dans sa maison aux fenêtres toujours closes qu'un coup de vent emportat quelque papier et quand l'un d'entre eux tombait au sol il essayait de la ramasser avant qu'il ne soit complètement recouvert par la poussière. De temps en temps, c'est à dire à peu près une fois par an, il donnait un grand coup de collier et s'attelait à sa comptabilité. Il commençait par y penser trois mois avant, paniquait pendant le dernier mois et se mettait vraiment au travail quand sa comptable lui téléphonait pour prendre de ses nouvelles.
    Une des causes de son découragement devant les tâches administratives était le sentiment qu'il avait d'être devant un langage inconnu, quasi hiéroglyphique. Mais de temps en temps, il avait besoin d'un papier, soit une facture à payer, soit une déclaration à remplir ou une commande à honorer et se mettait vraiment à la chercher à partir du moment où il recevait des rappels. Alors, s'il se souvenait à peu près de l'endroit où il l'avait posée, il se mettait à fouiller dans son tas de sédiments papelardiers. Il commençait à soulever quelques poignées de papiers en essayant de ne rien déplacer pour ne pas compromettre sa méthode de rangement "naturel". De temps en temps il avait de la chance et trouvait assez facilement le document objet de sa recherche, mais assez souvent il ne trouvait pas. Alors ses fouilles devenaient de plus en plus frénétiques. Il ôtait à gauche et redéposait à droite, fouillait au milieu pour finalement revenir là où il avait déjà regardé et peu à peu, envahi par le stress soulevait des tas de papiers au hasard et les redéposait n'importe où, là où il trouvait de la place. Il ne procédait pas de manière logique et rationnelle car cela l'aurait obligé à TOUT ranger d'un coup, et il n'en avait ni le temps ni le courage. Alors, soulagé, il finissait par saisir l'occasion d'une lettre de rappel pour régler le problème et abandonner sa recherche.
     Et puis, quand la date fatidique de sa clôture d'exercice arrivait il se mettait à la tâche et entreprenait de trier document par document  tout ce tas immense, fruit de l'accumulation de toute une année de correspondance publicitaire et administrative. Le pire est qu'il y arrivait : ce qu'il avait considéré comme un véritable travail pharaonique finissait toujours s'accomplir du moment qu'il était coincé par le calendrier et n'avait plus d'échappatoire. Même, il se sentait bien, libéré d'une espèce de montagne névrotique et envahissante qui l'avait terrifié pendant des mois.
     Alors, quand sa tâche était finie et qu'il avait même réussi à prendre un peu d'avance sur le travail de l'année suivante il se considérait très fier de lui et se disait qu'il avait une méthode personnelle qui s'appelait : "fouilles et sédimentation".

25/11/2007

Le bon roi et le dernier sujet

Un roi était un très grand roi. Il régnait sur un pays immense et sur un grand nombre de sujets. Son pouvoir était absolu, mais c'était un bon roi, juste et généreux. Il savait distribuer à son peuple les revenus de son immense fortune, ce qui fait que ses sujets ne rechignaient jamais à accomplir les tâches et même les corvées que leur roi leur demandait. Ses sujets étaient comme ses enfants et lui était comme un père qui veille avec affection sur sa famille.
Pour son malheur, ce roi n'avait pas de descendant. L'âge était venu sans qu'il s'en aperçoive, tant il était absorbé par son travail quotidien pour le bien de son royaume, et la reine son épouse ne lui avait pas donné d'enfant. C'était une question qui le préoccupait : il avait vu d'autres royaumes verser dans les guerres civiles après la disparition d'un monarque juste et cette question le hantait. Il avait peur que certains, parmi les plus en vue de ses sujets, ne se battent pour le pouvoir qu'il viendrait à laisser vacant au jour de sa mort. Il ne voulait pas faire entrer en disgrace les plus méritants, ni non plus favoriser certains qui n'avaient guère de mérite. Mais il sentait bien que parmi tous ceux de ses sujets qui auraient pu prétendre diriger un jour le royaume il était incapable de faire un choix : chacun avait ses qualités et il n'aurait pas été juste de favoriser l'un plus que l'autre.
Après des années de réflexion il résolu de partager son royaume entre tous ses sujets, de le morceler afin de donner à chacun une part égale. Chacun serait ensuite libre de faire fructifier sa parcelle comme il l'entendait et la félicité pourrait continuer de régner dans l'égalité et la liberté. Par chance, son royaume se trouvait au centre d'une vaste plaine ; la terre était également bonne partout et l'eau y était abondante : si aucune rivière ne coulait à travers le royaume il était par contre facile de creuser des puits peu profonds qui permettaient d'accéder à une eau claire et fraiche. Comme il n'y avait guère d'enjeu sur le choix des parcelles ses géomètres n'eurent aucun mal à en tracer les contours : par facilité chacun s'accomoda de celle qui se trouvait la plus proche de chez lui et tout se passa le mieux du monde.
Pourtant un matin le roi reçu la visite d'un de ses sujets qui lui présenta une étrange requète :
"Majesté, lui dit-il, je voudrais vous remercier pour ce don que vous faites à chacun. Pourtant, moi je n'ai pas l'âme d'un laboureur ni celle d'un éleveur. Je n'ai envie de planter ni des fleurs ni des légumes, je ne cherche pas à élever des vaches, des chevaux ou des moutons ; je n'ai que faire de forêts et n'ai pas l'intention de construire une usine de scierie, de filature, ni même de boucherie".
"Que veux-tu alors ? lui demanda le roi. D'ailleurs, regarde : tu es venu en dernier, tout le monde a été servi ; tout mon royaume est partagé et il ne me reste pas le moindre petit bout de terre à te donner. Pourquoi n'es-tu pas venu en même temps que les autres ?
"Je vous l'ai dit majesté, je n'étais pas intéressé par ce type de parcelle, et je ne voulais pas compliquer le partage. Par contre, à la question de savoir si tout est déjà partagé, je puis facilement offrir à votre majesté une solution qui me conviendrait et qui ne prendrait que peu à chacun.
"Parle dit alors le roi, je t'écoute.
"Je me contenterai, dit le sujet, d'une bande de terre d'un mètre de large prise en façade de chacune des parcelles. Il faudra bien sûr que cette bande de terre soit d'un seul tenant du début à la fin.
"Est-ce que cela ne sera pas un peu gênant pour les autres demanda le roi ? Si chacun veut visiter son voisin il sera obligé de traverser ta terre et risquera de piétiner tes plantations...
"Il n'y aura pas de problème dit le sujet, je laisserai chacun libre de traverser ma terre à sa guise et dans n'importe quel sens, d'ailleurs je ne désire pas faire de plantations.
Cette requète parut un peu étrange au souverain, mais comme il n'y voyait rien qui pouvait troubler l'ordre de son royaume il acquiesça à la proposition et ainsi fut fait.
Ceci fait, le sujet, délimita sa parcelle comme il l'avait dit au roi. Il y déversa des chariots de cailloux et de gravier pour en durcir le sol et le rendre définitivement impropre à la culture. Puis il construisit de loin en loin de petites maisons qui étonnèrent tous ses voisins.
"A quoi te sert-il, lui demandaient-ils, de construire la chambre à un kilomètre de la salle à manger et à un kilomètre encore de ce que je suppose être la cuisine ?
"Vous verrez, vous verrez, leur répondait-il tout en continuant son labeur.
Et pendant ce temps là, chacun s'activait sur sa parcelle pour y faire pousser qui des pommes de terre, qui des navets, qui du blé ou des poulets, mais au bout de quelques temps ils eurent besoin de se reposer et cherchèrent à échanger les produits de leur travail.
"Et toi, qu'as tu fait ? demandèrent-ils au dernier sujet, celui qui avait eu une requète bizarre.
"Moi, dit-il, j'ai fait une route que vous devrez tous emprunter pour vous rendre chez les uns ou chez les autres. Et sur cette route j'ai construit de petites maisons qui seront des magasins où vous pourrez venir vendre vos produits et où chacun pourra venir les acheter. Pour ce service que vous utiliserez en toute liberté vous n'aurez qu'à me verser quelques pièces chaque fois que vous ferez des affaires grâce à moi ; je ne vous demanderai rien d'autre.
Ainsi fut fait, et le vieux roi vit qu'il pouvait mourir en paix car il avait trouvé quelqu'un pour mettre de l'ordre dans son royaume.
Peu à peu le dernier sujet s'enrichi et plus les affaires se développaient plus il s'enrichissait. Il racheta le château du vieux roi et peu à peu, les autres sujets prirent l'habitude de le considérer comme si il avait lui-même toujours été le roi.