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18/12/2004

Odeur de Sainteté





Odeur de sainteté, vous connaissez ce mot : il figure que les saints dégagent en mourant une odeur de fleur, de rose, une odeur embaumante. Fantasme ou anthropophagie inconsciente de l'assistance qui prendrait une puanteur pour un délice, allez savoir; mais j'avais une amie qui était sainte, appelons la Simone.
J'avais été amoureux d'elle pendant des années sans pouvoir la toucher. D'abord elle avait appartenu à un ami très proche, puis, virant sa cuti, elle était devenue lesbienne au M.L.F., avant de sombrer enfin dans une dépression profonde qui lui avait valu des séjours en hôpital psychiatrique et dont elle n'était sortie qu'au prix d'une conversion religieuse, d'une illumination miraculeuse. Et moi qui l'avait aimée pendant des années, qui lui avait envoyé des fleurs, l'avait emmenée au cinéma, au restaurant, moi qui lui avait écrit des poèmes, qui l'avait aimée quand elle était trop grosse ou trop maigre, j'avais eu l'impression d'être amoureux de la duchesse de Langeais.
J'avais eu aussi ma petite occasion que j'avais perdue, que, par rigueur morale je n'avais pas su saisir quand elle était au plus profond de la détresse. J'étais resté un jour devant sa porte, devant le crucifix de bois qu'elle arborait sur la poitrine, tel qu'en portent les religieuses, et je ne l'avais plus revue pendant des années.
Des années pour l'oublier, pour penser à d'autres femmes, des années pour me marier, faire des enfants, divorcer et puis un jour de nouveau lui téléphoner.
Elle avait été heureuse de m'entendre et m'avait invité à dîner. Oui, elle était toujours très croyante, rêvait toujours de s'intégrer à une communauté religieuse et avait hâte de me voir pour parler de tous les souvenirs et de tous les amis que nous avions eu ensemble.
J'avais sonné à sa porte. Très vite elle était venue m'ouvrir et j'avais alors été suffoqué par une odeur immonde. Une odeur de transpiration qui me brûlait la gorge, qui imprégnait ses vêtements, son corps, tout son appartement et qui bien sûr m'aurait interdit de poser la main sur elle si j'en avais eu l'intention.
Odeur de sainteté, odeur démoniaque... Je laisse chacun penser ce qu'il voudra, moi je me suis fait mon opinion.
Mais soudain je réalise que ce souvenir m'est revenu, bien des années après, parce que je viens de voir passer dans la rue quelqu'un qui ressemblait à cet ami que j'avais eu et dont elle avait été la femme.


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14/12/2004

Bientôt la fin...

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11/12/2004

JOE, le serial killer, de face et de profil

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L'homme de demain

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10/12/2004

Catacombe

Catacombe:


J'ai découvert Paris
Depuis la nuit dernière.
Non Paris sans mystère
Qu'on connaît par ses rues
Mais celui sous la terre
Qui nous est inconnu.
Nous étions descendus
A Porte de Denfert
Par une sorte de puits
Qui menait vers l'enfer.
Il était pénétré
D'un escalier profond
Qui s'enfonçait en lui
Comme un colimaçon.
Nous avions débouché
Dans une galerie étroite
Nous dûmes courber la tête
Pour pouvoir avancer.
Le sol était couvert
D'une couche de glaise blanche
Qui avait pour tendance
De glisser sous le pied.
Nous marchâmes des heures
Mais sans aller nulle part
En croisant quantité
De ruelles et couloirs,
Répliques de la surface,
Couvrant plusieurs étages
Kilomètres de rues
Ne débouchant sur rien
Sinon de temps en temps
Le souvenir muré
D'une ancienne carrière
Ou un puits d'ossements
Éclatant d'abondance.
Me vint le souvenir
D'un livre de mon enfance
Où d'étranges « sous-terreux »
Pour voler le bétail
L'attrapaient par les pieds
Et l'attiraient sous terre.
Je les imaginais
Qui vivaient dans la pierre
Doués nécessairement
D'une autre dimension
Et je nous comparais
Nous qui pour avancer
En ce dense univers
Devions être des taupes
Esclaves de galeries,
Spaghettis de néant,
Qui ne nous permettaient
Pas d'être dans la pierre
Mais seulement d'y passer,
D'avancer au travers.
Et je me vis marcher
Dans Paris en surface
Aux immeubles fermés,
A leurs visages de glace
Qui m'offraient leur grisaille
Leur mort et leurs murailles.
Me vint le souvenir
D'étranges promenades
Où sur les grands boulevards
J'avançais propulsé
Par d'horribles terreurs.
Par peur de m'arrêter,
D'être dévisagé,
Je marchais pour marcher
Sans y prendre plaisir,
avec l'envie de fuir,
Comme un zombie des villes
Dont la vie, dont le monde
Sous un visage civil
Cache une catacombe.

17:30 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

07/12/2004

Mille soleils...

Mille soleils brûlants illuminent ton corps
Et la lune sensible vient s'y chauffer encore
Quand le matin timide pointe sur l'horizon
Et murmure mon poème en guise d'oraison

11:25 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

04/12/2004

Cherche à partager un appartement

De passage à Paris deux ou trois jours par semaine (le week-end), je cherche quelqu'un ayant une pièce en rab et qui accepterait de la louer. De préférence Paris nord, 17°, 18°, 19°. Laissez message, on parle après ; ciao !

03/12/2004

Roman d'amour

Roman d'amour




Dans le roman d'amour classique, tout commence par la rencontre et se termine par la réunion. Dans une histoire d'amour de la vie, la réunion n'est que le début de l'histoire. Les moments entre la rencontre et la réunion ne sont que les préliminaires et l'histoire se termine par la désunion. Celle-ci peut être causée de la manière la plus absurde par la mort de l'un des membres, mais le plus souvent elle est causée par le non-amour.
De la rencontre à la réunion, ayant affaire à quelqu'un que l'on ne connaît pas, on peut difficilement parler d'amour. On aime les gens qu'on connaît, que l'on aime tels qu'ils sont, avec leurs qualités mais aussi avec leurs défauts sur lesquels on est sans illusions. Mais pour les gens que l'on ne connaît pas encore on ne peut parler que de désir d'amour. Quoi de plus naturel que d'avoir envie d'aimer? Je ne parle pas de l'envie d'être aimé, qui est le besoin des enfants qui aiment aveuglément sans poser de questions, je parle du désir qui fait que l'on est attiré comme par un aimant par une personne dont on ignore tout mais à qui l'on prête toutes les qualités. Ce désir, fortement sexuel, ne suffit pas à faire durer une relation si l'on découvre au fil du temps que l'être que l'on a tant désiré possède un certain nombre de défauts que l'on juge incompatibles avec le sentiment que l'on a de son intégrité, de son intelligence, de son honnêteté. Si malgré tout, bien que n'aimant pas les traits de caractère principaux de l'être avec qui l'on partage une histoire d'amour on reste dépendant du désir physique que l'on a pour elle ou simplement de son besoin de stabilité, on risque fort de s'enfoncer dans une histoire douloureuse dont on a envie de sortir mais dont on ne connaît pas l'issue. Et, partant, tout concours à mener ce genre d'histoire vers sa fin.
Dans le roman d'amour classique on suppose que l'histoire d'amour, une fois commencée, n'aura jamais de fin. C'est ce qui en fait la beauté illusoire si éloignée de la vie, mais aussi ce qui fait que - les gens heureux n'ayant pas d'histoire -, les auteurs de ce genre de romans s'arrêtent là où les choses commencent vraiment.

02/12/2004

Tard...

Tard...




Tard dans la nuit j'ai vu voler un oiseau blanc
Ses ailes qui battaient en un grand souffle lent
Sont allées caresser tes cheveux doucement.

23:20 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

Utopie

(Communication)

UTOPIE


Superbe réponse du ministre brésilien de l'Education interrogé par
des étudiants aux Etats-Unis...


A faire suivre... Car la presse nord-américaine a refusé de
publier ce texte.

Internationalisation Discours du ministre brésilien de
l'Éducation aux États-unis.

Pendant un débat dans une université aux États-unis, le ministre
de l'Éducation Cristovam Buarque, fut interrogé sur ce qu'il
pensait au sujet de l'internationalisation de l'Amazonie.

Le jeune étudiant américain commença sa question en affirmant
qu'il espérait une réponse d'un humaniste et non d'un Brésilien.

Voici la réponse de M. Cristovam Buarque.

En effet, en tant que Brésilien, je m'élèverais tout simplement
contre l'internationalisation de l'Amazonie. Quelle que soit
l'insuffisance de l'attention de nos gouvernements pour ce
patrimoine, il est nôtre.

En tant qu'humaniste, conscient du risque de dégradation du
milieu ambiant dont souffre l'Amazonie, je peux imaginer que
l'Amazonie soit internationalisée, comme du reste tout ce qui a
de l'importance pour toute l'humanité. Si, au nom d'une éthique
humaniste, nous devions internationaliser l'Amazonie, alors nous
devrions internationaliser les réserves de pétrole du monde
entier.
Le pétrole est aussi important pour le bien-être de l'humanité
que l'Amazonie l'est pour notre avenir. Et malgré cela, les
maîtres des réserves de pétrole se sentent le droit d'augmenter
ou de diminuer l'extraction de pétrole, comme d'augmenter ou non
son prix.

De la même manière, on devrait internationaliser le capital
financier des pays riches. Si l'Amazonie est une réserve pour
tous les hommes(humains), elle ne peut être brûlée par la volonté
de son propriétaire, ou d'un pays.

Brûler l'Amazonie, c'est aussi grave que le chômage provoqué par
les décisions arbitraires des spéculateurs de l'économie globale.
Nous ne pouvons pas laisser les réserves financières brûler des
pays entiers pour le bon plaisir de la spéculation.

Avant l'Amazonie, j'aimerai assister à l'internationalisation de
tous les grands musées du monde. Le Louvre ne doit pas appartenir
à la seule France. Chaque musée du monde est le gardien des plus
belles oeuvres produites par le génie humain. On ne peut pas
laisser ce patrimoine culturel, au même titre que le patrimoine
naturel de l'Amazonie, être manipulé et détruit selon la
fantaisie d'un seul propriétaire ou d'un seul pays.

Il y a quelque temps, un millionnaire japonais a décidé
d'enterrer avec lui le tableau d'un grand maître. Avant que cela
n'arrive, il faudrait internationaliser ce tableau.

Pendant que cette rencontre se déroule, les Nations unies
organisent le Forum du Millénaire, mais certains Présidents de
pays ont eu des difficultés pour y assister, à cause de
difficultés aux frontières des États-unis. Je crois donc qu'il
faudrait que New York, lieu du siège des Nations unies, soit
internationalisé. Au moins Manhattan devrait appartenir à toute
l'humanité. Comme du reste Paris, Venise, Rome, Londres, Rio de
Janeiro, Brasília, Recife, chaque ville avec sa beauté
particulière, et son histoire du monde devraient appartenir au
monde entier.

Si les États-unis veulent internationaliser l'Amazonie, à cause
du risque que fait courir le fait de la laisser entre les mains
des Brésiliens, alors internationalisons aussi tout l'arsenal
nucléaire des États-unis. Ne serait-ce que par ce qu'ils sont
capables d'utiliser de telles armes, ce qui provoquerait une
destruction mille fois plus vaste que les déplorables incendies
des forêts Brésiliennes.

Au cours de leurs débats, les actuels candidats à la Présidence
des États-unis ont soutenu l'idée d'une internationalisation des
réserves florestales du monde en échange d'un effacement de la
dette. Commençons donc par utiliser cette dette pour s'assurer
que tous les enfants du monde aient la possibilité de manger et
d'aller à l'école. Internationalisons les enfants, en les
traitant, où qu'ils naissent, comme un patrimoine qui mérite
l'attention du monde entier. Davantage encore que l'Amazonie.

Quand les dirigeants du monde traiteront les enfants pauvres du
monde comme un Patrimoine de l'Humanité, ils ne les laisseront
pas travailler alors qu'ils devraient aller à l'école; ils ne les
laisseront pas mourir alors qu'ils devraient vivre. En tant
qu'humaniste, j'accepte de défendre l'idée d'une
internationalisation du monde. Mais tant que le monde me traitera
comme un Brésilien, je lutterai pour que l'Amazonie soit à nous.
Et seulement à nous!

Ce texte n'a pas été publié. Aidez-nous à le diffuser.

Un gros merci à l'auditeur de Delirium Environnemental qui nous a
fait parvenir ce texte ! http://www.radiodelirium.net



Paris-Plage

Paris-Plage:




Les trottoirs de Paris sont la plage qui borde le fleuve des voitures.
Vous y êtes vous déjà allongé?
Je l'ai fait un jour.
J'avais mis mon plus beau maillot et m'étais muni d'une serviette-éponge.
J'avais choisi un petit coin bien propre au bas du Sébasto.
Il faisait beau.
Près de moi des vieillards jouaient et je respirais des embruns mazoutés.
Mes lunettes infra-rouge me permettaient de voir la chaleur des autos.
Je vis soudain ma tante Clara qui se faufilait dans la circulation.
« Vas-tu bientôt mettre fin à cet horrible cauchemar? » Me demanda-t-elle;
« Mais ce n'est pas un cauchemar » répondis-je, « c'est un rêve, un beau rêve. »
« Mais enfin, réveille toi! » reprit elle en me secouant, « réveille toi »!
Alors je m'agrippai à mon drap de bain et me mis à hurler:
« C'est un rêve! C'est un rêve! Un merveilleux rêve! »

Après le départ de Nicolas Sarkozy :

Info, après le départ de Nicolas Sarkozy :







Dans les coulisses du dernier remaniement ministériel :



Nous venons d'apprendre, chose qui était passée complètement inaperçue, qu'avec le départ de Nicolas Sarkozy du Ministère des Finances il y avait eu un certain nombre de chaises tournantes, Le Premier Ministre a en effet décidé d'élargir les attributions du Ministère de l'Intérieur et de lui adjoindre un Ministre Délégué à la Vitesse et à la Circulation des Fluides.
Et n'ayons pas peur de le dire, c'est une bonne idée ! Le nouveau Ministre aura des pouvoirs très larges aux attributions transversales. Il pourra en effet intervenir dans l'un ou l'autre des secteurs habituellement réservés à ses collègues en fonction des besoins qui peuvent se faire jour à tout moment. Il sera ainsi aussi bien chargé de régler la vitesse de circulation des voitures en ville ou sur les autoroutes afin de mettre fin à une réglementation anarchique, ou de faire accélérer la vitesse d'examen des dossiers de la Sécurité Sociale, ou la vitesse d'exécution des peines de prison auxquelles un certain nombre de nos concitoyens ont été condamnés. Car quelle que soit la condamnation, on sait qu'en toute circonstance le temps passe plus ou moins vite, et il importe, au nom des principes démocratiques les plus évidents, que le temps passe à la même vitesse pour tout le monde.
Et nous le voyons tout de suite, les champs d'intervention de ce nouveau ministère peuvent être extrêmement variés : Cela va depuis le sport, - il n'y a en effet pas de raison pour que les sportifs français courent moins vite que les autres, - jusqu'à l'économie et au code du travail : voilà enfin une bonne manière de mettre fin à cette odieuse polémique sur les trente-cinq heures et aux velléités de les supprimer dont font preuve certaines personnes ; il suffira de les ralentir un tant soit peu, au grès des besoins des entreprises, pour que les ouvriers puissent assurer la même production qu'ils auraient eue en trente-neuf ou quarante heures.
Nous souhaitons bonne chance au nouveau Ministre, persuadés que nous sommes que cette nouvelle réforme était indispensable et qu'elle sera de la plus grande productivité !

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01/12/2004

Conte sous la lune

Conte sous la lune






C'était l'automne, au début de décembre et il ne faisait pas froid. La lune se découpait à travers les feuilles des arbres. Un homme était couché au sol, adossé contre un rocher ; il regardait le ciel à travers les branches dénudées et respirait lentement. Il était las d'avoir trop marché. La nuit qui l'avait surpris brutalement, alors qu'il était encore loin de tout village, l'avait forcé à s'arrêter. Il n'aimait pas marcher dans l'obscurité ; sur cette route sombre et mal définie il avait peur de se blesser contre un obstacle, de choir et se tordre peut-être une cheville. Il avait vu ce rocher dans la pénombre et s'était assis. Il avait sorti une bouteille de vin qu'il avait dans un sac, accroché sur son dos, et l'avait portée à ses lèvres. Il lui restait du vin mais n'avait plus rien à manger. Il avait compté arriver dans un village où il aurait pu trouver un commerce ouvert et acheter des victuailles, mais il était trop tard. Avec la nuit il risquait de se perdre et de toutes façons, entre coucher dans la forêt ou arriver dans un village aux portes closes, il n'y avait pas une très grande différence. Ici, au moins, il n'y avait pas de chiens qui aboient ni de volets qui s'ouvrent pour guetter à qui appartiennent les pas qui résonnent dans la nuit.
Il ne lui restait plus rien à manger ; il ne lui restait que du vin mais il pouvait attendre, il n'avait pas très faim. Il était fatigué d'avoir marché des heures et des heures sur les chemins de cette contrée où les villages sont éloignés les uns des autres. Tant que le sol était sec il était aussi bien ici que n'importe où ailleurs. Bien sûr, il aurait apprécié de coucher dans les draps frais d'une chambre d'hôtel ; Il aurait pris une douche chaude et se serait étendu, nu, sur le lit grand ouvert, sans pudeur, bien à l'abri derrière les murs de la chambre. Mais il n'était pas gêné non plus à l'idée de dormir dans la forêt. Ce n'était pas la première fois, loin de là, et tant que le temps n'était pas froid...
N'ayant rien à faire il n'avait pas besoin de lumière. Les premières fois qu'il avait dormi ainsi c'était ce qui l'avait le plus dérangé et puis il s'était habitué. Il avait compris que la lumière ne lui aurait servi à rien : Il n'avait pas de cuisine à préparer, pas de livre à lire ; il n'avait qu'à s'allonger et regarder le ciel dans lequel couraient les nuages.
Certaines fois il essayait d'imaginer ce qu'aurait été sa vie s'il n'avait jamais marché, si il était toujours resté au même endroit, assis, à regarder les mêmes choses. Il sourit à cette idée ; il pensait que c'était le sort de beaucoup de gens et que ces gens ne s'en rendaient même pas compte le plus souvent. Lui, cela faisait maintenant des années qu'il marchait, jour après jour et sans aller nulle part. Et comme il n'avait pas de but, il allait partout. Il avait traversé des milliers de villages, contemplé des milliers de paysages ; il n'avait pas vraiment besoin de compagnie : de temps en temps, quelques mots lui suffisaient quand il allait dans une épicerie ou s'arrêtait dans un café. Les conversations le lassaient vite ; il les trouvait inutiles. Il trouvait que les gens ne parlaient jamais de l'essentiel, qu'ils ne s'interrogeaient jamais sur le monde, sur l'univers, sur la beauté des choses, sur la course des étoiles dans le ciel ou la signification du chant des oiseaux.
L'homme était assez âgé. Il n'était pas pauvre ; Il avait été marié et avait divorcé, et il avait eu des enfants que, après son divorce, il avait perdu de vue peu à peu. Il était resté seul ; il n'avait pas comme on dit, "refait sa vie". Il s'était simplement contenté de la voir couler comme l'eau d'un ruisseau qui ne sait pas trop où elle va et se contente de suivre la pente la plus propice. Un jour, la limite d'âge venant, il avait du cesser son travail et s'était trouvé à la retraite. Il n'était pas très vieux, mais quand l'entreprise dans laquelle il travaillait l'avait licencié on lui avait dit que de toutes façons il ne retrouverait plus rien et qu'il faudrait qu'il s'habitue à ne plus travailler. On lui avait versé une indemnité qui n'était pas énorme mais dont les revenus mis au bout de sa retraite lui assuraient de quoi vivre. Il n'était pas très dépensier ; il était d'une nature assez contemplative et n'avait pas de gros besoins. Alors, après quelques mois passés à tourner en rond dans son quartier, il avait décidé de partir sur la route et avait mis un locataire dans sa maison.
Déja, avant, c'était un randonneur ; pendant ses vacances il avait l'habitude de partir une ou deux semaines sur les petites routes de montagnes ou de suivre les chemins douaniers du bord de mer. Alors il avait commencé à marcher à longueur de journée, sans jamais savoir où il allait. Il ne voulait pas se donner de but et comptait en toute chose sur le hasard. Au cours de son étrange randonnée il dormait dans des petits hôtels et mangeait dans des petits restaurants bon marché. Il lui arrivait de rester quelques jours au même endroit quand il le trouvait très beau et qu'il voulait en profiter un peu, mais, de manière générale, quand il était arrivé le soir dans un village il en repartait le lendemain matin, toujours du même pas lent et régulier. Il lui arrivait de temps en temps de se faire arrêter par les gendarmes ou contrôler par la police. Quand il passait dans les villages on le prenait pour un vagabond. C'en était un en quelque sorte, mais comme ses papiers étaient en règle et qu'il avait toujours de l'argent sur lui et pouvait le justifier personne n'avait rien à lui reprocher. Les gendarmes en étaient quitte à se gratter la casquette et à se demander avec quel drôle d'oiseau ils avaient affaire.
Il ne comptait pas les kilomètres et ne cherchait pas à parcourir de longues distances. La seule chose qui lui importait était de voir le monde défiler sous ses yeux et d'avoir le temps de le contempler. Bien sûr, voyageant ainsi, sans plan ni méthode, il lui arrivait de se tromper dans ses estimations de distance ou d'arriver le soir dans des villages où il n'y avait aucun hôtel ni endroit où coucher. Comme il était très digne il considérait que frapper à une porte pour demander le gîte aurait été s'abaisser et il s'interdisait de faire ce genre de choses. C'est ainsi qu'il lui arrivait de dormir dehors, comme cette nuit dans la forêt. Il n'en était pas malheureux ; il avait le sentiment que le monde lui appartenait et il se sentait chez lui sous le ciel étoilé.
Il se souvenait avoir lu, quand il était jeune, une bande dessinée de Gébé où le héros, étant couché dans l'herbe et regardant les étoiles, se prenait pour la figure de proue du vaisseau spatial "Terre". Il avait admiré cette image et se sentait très proche de cette sentation. Il y a bien longtemps, quand il avait été étudiant, il avait fait des études de philosophie. Il se rappelait les grecs anciens, les stoïciens, Diogène, les stylistes et toutes ces écoles de pensée qu'il rapprochait des yogis indiens qui se promènent nus et couverts de cendres et sont capables de rester des années debouts sur une seule jambe. Il trouvait qu'après tout, ces courants philosophiques étaient tous originaires du même tronc commun, quelque part au sud de l'Himalaya, de la même pensée polythéïste qui plaçait l'homme au sein de la nature en interaction avec les dieux et les fleurs, les étoiles et les animaux.
Il écoutait les bruits de la forêt : le hululement régulier des chouettes qui se répondaient et qui était facile à identifier, mais aussi des tas d'autres bruits, des appels, des chuchotements, des frottements qui venaient de l'obscurité toute proche et qui lui disaient que la forêt avait oublié sa présence, ou au moins s'était habituée à lui. Tous ses sens étaient aux aguets ; il cherchait à se représenter toute cette vie qu'il entendait et qu'il ne pouvait voir. Il attendait : il pensait qu'un jour il ferait tellement partie de cet environnement que les animaux viendraient lui rendre visite et cesseraient de se cacher. A force d'écoute et de communion toujours la même chose se passait : au bout d'un moment il sentait son corps se dissoudre et seul le ciel existait. Il avait l'impression de parvenir à n'être qu'un pur esprit et à oublier ses contingences physiques. Il s'endormait. Alors la lune se voilait les yeux d'un masque de nuages et pour lui faisait l'obscurité.