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24/06/2006

Parler d'amour

        Parler d'amour, source de tous les quiproquos.


          "Elle cru qu'il la dragait, il cru qu'elle le dragait, ils dirent oui tous les deux. L'affaire semblait bien partie, il s'intallèrent avec paresse et volupté dans cette histoire d'amour qui avait l'air d'aller de soi. Ils communiquaient par courrier, par téléphone et par Internet. Ils se livrèrent à des jeux troubles, à des échanges d'affection virtuels. Il lui dit, pour bien marquer l'affection et le désir qu'il éprouvait à son égard, des mots comme : "Je te serre contre moi", "Je t'embrasse très fort". Elle se laissait aller à cette sensation d'être prise dans les bras d'un homme, à ce besoin qu'elle avait qu'un homme la prit contre lui. Il s'enhardit un peu. Il lui dit des mots plus sensuels comme "Je te caresse, je glisse ma main dans ta culotte". Elle frémissait encore, elle frémissait un peu plus. "Mon sexe est chaud", lui dit-elle, "j'ai envie de toi". Leurs jeux érotiques ne connurent plus de retenue. Ils se rencontraient tous les jours sur Internet ou par téléphone et ils se disaient ce qu'ils se feraient le jour où ils se rencontreraient vraiment. Il l'invita à venir le voir. Il lui dit : si tu ne viens pas c'est moi qui irait te voir. C'est finalement elle qui prit le train. Ils habitaient dans des régions éloignées et ils se rencontrèrent à Paris, à l'hôtel. Au stade ultérieur ils en vinrent à se toucher, à se caresser et à vouloir s'échanger du plaisir. Ils remarquèrent l'un et l'autre quelque chose qui avait l'air d'être magique : le fait de dire des mots donnait une corporalité aux désirs. En d'autres termes, quand il lui disait "je t'aime" il se mettait à bander et quand elle entendait ces mots elle se mettait à jouir. Ils crurent qu'ils parlaient d'amour et qu'ils parlaient tous les deux le même langage. Ils se laissèrent aller dans cette confusion où l'esprit se mélangeait à la sensualité. Pour ajouter au trouble ils se rendirent compte que sur certains sujets ils avaient la même opinion. Ou plutôt que lui avait la même opinion que son mari à elle. Car déjà elle était mariée. Elle était entrée dans cette relation sans se demander ce qu'il adviendrait de sa relation avec son mari. Lui ne s'était pas posé de questions. Il l'avait prise comme elle était venue car il n'avait pas de doute sur sa propre liberté. Mais les mots n'avaient pas la même valeur pour les deux. Pour lui la vérité était quelque chose d'instantané. "Je t'aime" voulait dire "en ce moment je t'aime". Pour elle ce n'était pas comme cela. Pour elle la vérité se confondait avec l'éternité. Il vivait dans les valeurs relatives d'un monde toujours en mouvement alors qu'elle avait besoin d'absolu. Elle vivait dans l'espoir d'un monde à construire qui atteindrait un jour l'équilibre et la stabilité tandis que lui vivait avec la perception d'un univers fragile, toujours prêt à s'effondrer et à laisser la place à autre chose. Ils avaient la même opinion sur cetains sujets, mais pas sur tous les sujets. Et quand lui considérait ce qui peu à peu s'insinuait entre eux pour les séparer, elle n'avait les yeux fixés que sur ce qui les réunissait.         

Elle était fragile. Quand il la prenait dans ses bras et la serrait très fort, comme il avait envie de serrer une femme, elle lui disait qu'il lui faisait mal. La pointe de ses seins était très sensible et elle supportait à peine qu'il y touchât. Elle avait besoin d'être caressée avec délicatesse, doucement, qu'on fit monter le plaisir en elle avec attention et patience. Lui avait besoin d'être submergé par des vagues de sensualités, il avait besoin de pousser des cris de plaisir et d'entendre sa partenaire jouir de même. Pour lui plaire il acceptait de l'attendre mais peu à peu il commença à s'ennuyer. Sentant cet ennui elle prit de plus en plus de précautions pour ne pas le heurter. Mais ces précautions même l'ennuyaient : malgré la délicatesse de ces attentions - dont il était conscient - il avait de plus en plus l'impression d'être protégé et c'est une sensation qu'il détestait. Il n'aimait pas ce qu'il était et avait besoin de se sentir en mouvement, en transformation. Pour cette raison il aimait se mettre en danger et être déstabilisé. Ce n'était pas du masochisme mais simplement le seul moyen qu'il connaissait pour repousser ses limites, pour tendre vers une image de lui plus en accord avec son idéal.         

Bien sûr cette relation ne pouvait pas durer mais il savait qu'elle allait souffrir. Alors il se mit à temporiser et fit semblant de parler d'amour..

22/06/2006

Théorie du point

         Il y a quelques années je fus attiré par le titre d'un livre en devanture d'une librairie. C'était un ouvrage de Pillipe Sollers qui s'intitulait : "Théorie des exceptions". Le titre était accrocheur et le piège fonctionna : je pensais que Sollers s'était lancé dans une démonstration de la psychologie des profondeurs propre aux génies et, mu sans doute par l'espoir que je reconnaitrais dans cette théorie des éléments de preuve  à même de confirmer mon idée que j'étais un être exceptionnel, j'achetai le livre immédiatement.
          Grande fut ma déception : l'ouvrage n'était en rien la brillante démonstration intellectuelle à laquelle je m'attendais, mais au contraire un simple recueil d'essais biographiques ne dépassant pas quelques pages. C'était en fait la compilation d'articles que Sollers avait publié dans la presse au cours des années précédentes. Cela n'avait rien de nouveau, c'était juste un moyen qu'avaient trouvé l'auteur et l'éditeur pour faire rentrer un peu de picaillons.
          Soudain le titre s'éclaira dans mon esprit : une théorie, du grec theôria / procession, n'est rien d'autre qu'une suite d'objets posés les uns à la suite des autres comme des bibelots sur une étagère. Ils n'ont pas besoin d'avoir un rapport de rationalité, de filiation, ni même de sémantique. Le plus souvent on cherche à donner un sens à la succession de ces objets, mais ce n'est aucunement nécessaire. La preuve ? Devant une démonstration intellectuelle que l'on juge fallacieuse la réplique obligée et systématique est de dire : "Ce n'est qu'une théorie".
          Donc une "Théorie du point" ne sera pas forcément une tentative de demonstration des forces qui structurent cet objet hypothétique ; cela aurait sans doute sur nos esprit la même force de gravité que celle qui pourrait nous faire sombrer au sein d'un trou noir. Par contre nous pourrons nous intéresser à tout ce qui tourne autour, comme les étoiles dans une galaxie, comme le café dans un bol, à tout ce qui s'y rapporte. Et là, le point, figure immatérielle par excellence mais dont notre univers ne saurait se passer, prendra l'ampleur qu'il mérite et nous découvirons à quel "point" il nous est nécessaire.

21/06/2006

L'arbre qui cachait la forêt

          Je connaissais l'arbre qui cache la forêt, mais la fille cachée sous un point je n'en avais jamais entendu parler. Et pourtant elle m'avait dit : "Tu me trouveras sous le point". Je n'avais pas compris tout de suite mais je m'étais dit : "On verra bien". Et je suis parti comme ça, à l'aventure, à la recherche de cette fille. Et pourtant, j'ai eu de la chance ; son point elle aurait pu le faire à l'encre invisible ! Alors c'était foutu, je l'aurais jamais retrouvée !         

          Une fille cachée sous un point, vous imaginez ? Même pas besoin d'encre invisible pour passer à côté sans le voir ! Un point géométrique, c'est une figure toute théorique, ça n'a quasiment pas d'existence ! Pour le voir, il faut déjà que ce soit une surface ! Et encore, une surface, il ne faut pas la regarder de profil ! Alors un point ! Vous imaginez une fille plus timide que celle qui va se cacher sous un point ?         

          Une fois sur place, j'ai bien regardé, et bien sûr, le point, j'ai failli passer à côté ! Mais je l'ai quand même trouvé : il était là, il me crevait les yeux ! Alors je l'ai bien observé, j'ai tourné autour, et j'ai fini par le soulever. Vous savez quoi ? Elle y était ! Incroyable : j'ai soulevé le point et elle était dessous !